MediaSpecs Summer Interview 2/9 – Fabien Bourgies : « Chers annonceurs, vous pouvez toucher 600.000 téléspectateurs impliqués »

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Ce lundi, nous partons à la rencontre de Fabien Bourgies, Directeur de la Fédération des Télévisions Locales (FTL). Il nous explique les missions de la FTL, la programmation des chaînes locales, ou encore la nouvelle organisation de la commercialisation des espaces publicitaires. Nous l’avons aussi interrogé sur la numérotation des chaînes locales, les projets en radio et sa lecture personnelle du paysage médiatique actuel.

La Fédération et ses missions

La Fédération des Télévisions Locales (FTL) est l’association des 12 télévisions locales de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Elles couvrent ensemble l’entièreté du territoire de la FWB. La FTL réalise deux missions principales : la représentation et la recherche de synergies entre les chaînes locales.

Depuis qu’elle existe, c’est-à-dire depuis 1977, la Fédération représente le secteur auprès de différentes institutions et de partenaires extérieurs. Ce regroupement permet de n’avoir qu’un contact plutôt que 12.

Ensuite, depuis 2015, la Fédération est chargée d’organiser des synergies entre les 12 membres dans différents domaines : le digital, la technique, les achats, la promotion, les programmes. « En bref, dès qu’il y a une opportunité d’unir nos forces pour gagner en efficacité, alors la Fédération entre en jeu » nous explique Fabien Bourgies.

Enfin, depuis le 1er juin de cette année, la Fédération coordonne la commercialisation du réseau des télévisions locales.

 « Aujourd’hui, on nous demande de nous comporter comme un secteur, les télés ne sont pas concurrentes, elles couvrent chacune leur zone, mais se mettre ensemble, c’est porter plus haut et plus fort une même voix. Le secteur compte 400 employés, 12 ASBL, 12 studios, la plus grande équipe de journalistes francophones (160 journalistes). Notre existence est régie par un décret et nous participons activement aux réunions de travail du CSA. »

La FWB subsidie la Fédération et les 12 ASBL à hauteur de 90%, elles ont donc une mission de service public (contrairement à la Flandre où les télés locales sont privées). En échange de ces subsides, nous avons des obligations qui sont inscrites au décret SMA (Services des Médias Audiovisuels). Les principales missions des 12 chaînes sont l’information de proximité, l’éducation permanente et la valorisation de la culture.

Les télévisions locales, un média de proximité par excellence

Fabien se réjouit des chiffres présentés dernièrement qui font état de près de 600.000 téléspectateurs quotidiens pour l’ensemble des 12 chaînes locales francophones. Les téléspectateurs sont nombreux, et ils apprécient la qualité du service. Ils regardent avant tout la télévision locale pour l’information.

« Le grand plus de nos chaînes, cela paraît évident, mais c’est l’information locale. Nos journalistes sont au plus proche de l’actualité de terrain avec une finesse que nous sommes les seuls à proposer. Les médias ont un rôle important dans une démocratie, et cela est nécessaire à tous les niveaux de pouvoir. Nous défendons la démocratie locale. Dans le monde dans lequel nous vivons, il est aussi important d’avoir des nouvelles de Trump, que de son bourgmestre et de ce que la commune fait avec l’argent des citoyens. »

De manière générale, chaque chaîne souhaite faire parler sa communauté, que ce soit au niveau politique, sportif, culturel, ou autre. « Nous avons un modèle qui consiste à réaliser une émission sur un thème commun. Nos journalistes unissent leurs forces pour la réalisation du tronc commun du reportage, et puis chaque télévision complète cette base avec son illustration locale ». Grâce à ce modèle, même des grands thèmes comme l’agriculture, ou la canicule par exemple, sont traités très localement.

« La proximité amène une plus grande implication du téléspectateur. »

La programmation est organisée sur base d’une boucle qui commence sur chaque chaîne à 18h avec le JT local et un magazine d’information propre (la boucle varie entre une demi-heure et une heure selon les chaînes) et tourne jusqu’à 20h. Ensuite, chaque chaîne diffuse une ou deux émissions entre 20h et 22h. Ce sont des reportages sportifs, culturels, des programmes spécifiques exclusifs, mais aussi un film une fois par mois. À partir de 22h et jusqu’à minuit, la boucle d’information est à nouveau diffusée.

La programmation en journée est élaborée avec des émissions propres, mais aussi beaucoup d’échanges entre les chaînes sur des émissions générales, comme la cuisine, ou l’automobile. Ce sont des sujets qui peuvent intéresser tout le monde. La Fédération organise une bourse pour faciliter ces échanges. On retrouve aussi, parmi ces programmes partagés, des interviews de personnalités francophones connues par exemple, qui sont moins locales. À 17h est diffusé ‘’Vivre ici’’, un JT commun à toutes les chaînes qui est une sorte de best-of des reportages de tous les JT régionaux, en partenariat avec vivreici.be.

Toutes les chaînes possèdent leur site internet dédié. Et la FTL constate avec fierté que les télévisions locales ont réussi leur tournant digital. Elles cumulent 1,4 millions de visiteurs uniques par mois. « En comparaison avec la RTBF, RTL, Sudpresse etc., on existe réellement sur le marché ». La Fédération a mené des actions auprès de ses membres pour les inciter à y porter une attention particulière durant ces 3 dernières années. « D’ailleurs sur les réseaux sociaux également notre présence compte. Plus d’un demi-million de fans sur FB, Twitter et Instagram, ce n’est pas du hasard. »

Réorganisation de la commercialisation des espaces publicitaires

Les revenus commerciaux représentent actuellement 10% du budget des télévisions locales, mais Fabien nous a fait part d’un réel souhait d’augmenter cette portion de revenus. La seule limite qui s’impose est le nombre de minutes de publicité par heure (20%, donc 12 minutes) comme pour toute chaîne soumise au décret SMA. À la publicité en linéaire s’ajoutent également les bannières et le pré-roll en digital.

« Hélas Transfer, qui gérait la commercialisation depuis 2 ans, n’a pas pu atteindre les objectifs financiers, mais c’est principalement parce que le CIM ne nous mesure pas correctement. La méthodologie ne fonctionne pas pour notre cas. Pour remédier à cela, premièrement nous avons décidé de réaliser notre propre étude. Nous avons enfin une étude objective pour pouvoir aller à la rencontre des annonceurs et leur dire qu’ils peuvent toucher 600.000 téléspectateurs impliqués. Ce n’est pas du zapping, c’est une vraie démarche volontaire du citoyen. Deuxièmement, nous avons fait le constat que nous avons probablement une des plus grosses équipes de vente (chaque télé locale a au moins un délégué commercial) et nous avons décidé de leur faire confiance. Ils ont l’habitude de vendre en local, ils réalisent déjà un beau chiffre d’affaire. Donc nous avons pris la décision de leur confier le travail de vente au niveau national également (sauf BX1 qui continue à travailler avec Transfer). Chaque client qui appartient à une zone de diffusion sera visité par le délégué local. La Fédération n’est donc pas une régie, elle coordonne la vente d’espaces publicitaires, elle définit des tarifs communs, fournit les outils et le cadre nécessaire. »

« Pour les clients à Bruxelles ou en Flandre et les agences média, nous travaillons sur une solution qui sera concrétisée au mois de septembre par la Fédération. Mais ils ne doivent pas hésiter à prendre contact avec la Fédération et nous répondrons avec plaisir à leur demande (en de Federatie is tweetalig). C’est également la Fédération qui gère désormais l’institutionnel. »

« J’appelle les agences média à nous contacter et à remettre un peu d’argent dans la production, car l’impact que cela aura vaudra cet investissement. »

Quand nous interrogeons Fabien sur ce qui doit motiver les annonceurs et les agences média à s’intéresser aux télévisions locales, il insiste, outre la couverture rapide et donc la répétition rapide du message, sur la souplesse et la flexibilité qu’offrent les télés locales pour réaliser des projets créatifs. « Je voudrais vraiment que les agences média prennent le temps de s’assoir à notre table et de mettre sur pied des petites opérations créatives avec des points de ventes, ou pour des lancements de produits, où les témoignages sont essentiels ». Il prend l’exemple d’un lancement d’une boisson : « si un barman à Bruxelles donne son avis, mais aussi un barman à Mons, à Tournai, à Namur, cela fait 12 spots, mais quelle puissance on peut apporter grâce à la proximité ».

Pour Fabien, les grandes marques, ce sont avant tout des points de vente, et pour les télés locales, c’est facile d’envoyer une équipe sur place pour recueillir des témoignages concrets. « Notre avantage, c’est la flexibilité locale. Ce qui est difficile pour les autres ne l’est pas pour nous. »

Quant au préjugé sur la qualité de production souvent faible et médiocre des télés locales, Fabien répond que la qualité est fort subjective. « S’il y a 600.000 téléspectateurs, ne me dites pas qu’ils se forcent tous à regarder de mauvais programmes ». Avant d’ajouter : « Mais soyons objectif, j’entends bien ce qui se dit, et nous faisons des efforts pour améliorer notre service, en abandonnant par exemple tout ce qui est diapositives, successions de photos,… et techniquement nous avons beaucoup plus de possibilités qu’auparavant. »

Le studio de tournage de TV Lux

 

Numérotation des chaînes locales

Concernant le récent conflit qui a opposé Proximus et BX1, la réponse de Fabien est claire : « Il y a un décret qui dit que les distributeurs sont obligés de placer les télévisions locales entre les numéros 1 et 15, sans que le citoyen doive faire de manipulations spéciales. La loi est la loi, messieurs les distributeurs, vous n’avez plus qu’à mettre cela en place ». Toutefois, l’application de ce décret doit se faire avant juillet 2020, ce qui laisse encore quelques mois aux distributeurs pour régler ces questions de numérotation. « Nous sommes une chaîne de service public, nous apportons de l’information locale. J’espère que des entreprises comme Proximus et VOO ont dans leurs valeurs le respect de la loi et du téléspectateur. » Fabien précise aussi que, si Proximus dit que 20% des téléspectateurs règlent eux-mêmes la numérotation, cela signifie que 80% ne le font pas !

Projet de radios dans le plan de fréquences

Pour exister complètement en tant que média complet, il faut être présent sur la télé, la radio et le digital selon Fabien. Il y avait une opportunité à saisir avec le plan de fréquences de la FWB. C’était maintenant ou dans 9 ans. « Or il y a 9 ans, on parlait à peine de Facebook et compagnie. Le monde va très vite, il ne fallait pas louper l’occasion ». Toutefois, dans ce cas, la Fédération n’apportait pas de valeur ajoutée, ce sont certaines des ASBL locales qui se sont lancées dans ce projet. Mais si le projet se concrétise et qu’il y a une demande de coordination de la part des membres, alors la Fédération entrera en jeu.

Le point de vue de Fabien sur le paysage médiatique

« D’un point de vue publicitaire, il y a un paradoxe, c’est que les revenus publicitaires de la télé diminuent au profit des dotcoms, mais je crois que les plus gros investisseurs sur la télé, ce sont les dotcoms. N’est-ce pas la preuve que la télévision reste un média puissant, qui crée de la notoriété et du trafic sur les sites internet ou dans les magasins ? Le défi aujourd’hui n’est pas de tout mettre dans les dotcoms, mais de bien comprendre la fonction des dotcoms et de les intégrer dans un planning général de tous les médias. C’était nouveau, on a foncé dessus, désormais il faut prendre un peu de recul et de maturité. »

« Nous disons attention à la démocratie, attention au pluralisme des médias. »

« De manière plus générale, on parle aujourd’hui énormément des algorithmes, nous, télévisions locales, nous disons attention. Parce que les algorithmes nous donnent nos préférences et finissent par nous montrer toujours la même chose. Pour vous donner un exemple, je suis abonné à Netflix, et si je ne regarde jamais un western, Netflix ne va jamais me recommander ce type de film, alors que j’adore ça.  Si tout est algorithme, alors les gens vont vivre avec des œillères. »

Plus d’informations

Fabien Bourgies, en tant que Directeur, est chargé de la gestion de l’ASBL Fédération des Télévisions Locales, qui compte 12 collaborateurs et représente environ 1 millions d’euros de budget annuel. Il se charge de faire l’intermédiaire entre les 12 chaînes membres et tout ce qui est interne à la Fédération. Au sein de la FTL, le travail est organisé par spécialités. L’organisme compte un spécialiste digital, un spécialiste technique, un spécialiste commercial, un spécialiste archives.

Les 12 chaînes locales francophones couvrent l’intégralité du territoire de la FWB. Retrouvez leurs fiches tarifaires et leurs coordonnées dans MediaSpecs : BX1, ACTV, Canal C, Canal Zoom, MATélé, Notélé, RTC Télé Liège, Télé MB, Télésambre, TV Com, TV Lux et Védia.

Pour la publicité nationale, prenez également contact avec le responsable commercial de la chaîne de votre région, ou contactez directement la Fédération des Télévisions Locales. Pour BX1, la régie nationale est assurée par Transfer.