Xavier Bouckaert est un entrepreneur flamand et éditeur de magazines d’actualités, de magazines lifestyle, de titres B2B, de médias locaux et bien d’autres. En tant que CEO de Roularta Media Group, il emploie 1.287 collaborateurs, fait appel à un réseau de plus de 1.300 freelancers et réalise et consolide un chiffre d’affaires de 277 millions d’euros (Rapport annuel 2018).
Il est également Président de l’European Magazine Media Association et Président de l’organisation belge WeMedia.
La BMMA était donc ravie de recevoir cette personnalité média comme intervenant le 14 mai dernier. Son intervention portait sur le thème : « Media brands and GAFA: David and Goliath again? » La relation entre les éditeurs et les gigantesques GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).
Bouckaert a d’abord rappelé la raison d’être des « médias ». Il a cité un rapport de la Commission européenne qui souligne clairement la valeur des médias rédactionnels en tant que pierre angulaire d’une démocratie saine, en tant que fondement d’une discussion pluraliste dans une société bien informée.
Une transformation radicale s’est mise en place durant ces dix dernières années. La digitalisation massive a complétement modifié les habitudes du consommateur (média). La surcharge d’information et la personnalisation extrême ont causé un chaos qui a entrainé une perte de confiance dans les médias.
La digitalisation a sans aucun doute fait exploser la portée des médias d’actualité, mais les revenus des éditeurs ont quant à eux drastiquement diminué. À titre d’exemple, les revenus de la presse écrite en Europe ont diminué de 14 milliards entre 2010 et 2014 alors que les éditeurs n’ont pu compenser que 4 milliards avec les revenus de leurs médias numériques.
57% du trafic sur les sites d’actualités provient des médias sociaux, des agrégateurs de nouvelles et des moteurs de recherche. Les utilisateurs se limitent souvent aux seuls titres qu’ils lisent sur les grandes plateformes. Les GAFA sont ainsi devenus les principaux vendeurs de publicité. Par conséquent, les fabricants d’information peuvent difficilement récupérer leurs investissements.
Les GAFA contrôlent 70% du marché de la publicité digitale et 90% de la croissance de ce secteur est monopolisée par ces quelques parties.
Comment un éditeur peut-il s’armer face à ces géants internationaux ?
Bouckaert se défend en premier lieu, avec Roularta Media, en investissant dans la qualité de ses contenus rédactionnels. Il donne la priorité aux journalistes professionnels, avec une déontologie forte et des garanties de pluralité. Ces informations doivent pouvoir résister et contrer toutes les formes de « fake news » susceptibles d’inonder les canaux digitaux.
L’éditeur ne doit pas se contenter d’assurer une production qualitative de l’information. Il doit également accorder beaucoup d’attention à une large distribution via tous les canaux possibles, à savoir le print et les canaux digitaux internes et externes. La « Brand safety » est un autre atout à mettre en place par les éditeurs pour les annonceurs qui se soucient du contexte dans lequel leur publicité se retrouve.
Le business model et la structure des revenus des entreprises média sont sous pression. Roularta trouve une réponse dans une approche accélérée visant à générer des revenus via la distribution digitale, via une politique d’abonnement propre forte et via des activités auxiliaires pour lesquelles les consommateurs sont disposés à payer.
En somme, un éditeur est une entreprise saine qui fournit de nombreux services et informations à la société et contribue au processus démocratique. Tous les revenus de l’activité économique reviennent à la communauté sous forme de salaires, d’investissements et d’impôts.
Bouckaert a conclu avec le souhait de voir tous les acteurs prendre les mêmes règles en compte. La disparition de la concurrence libre à cause de la position dominante des GAFA est un souci majeur pour les éditeurs. La demande faite par les éditeurs européens aux autorités politiques afin d’obtenir une rémunération correcte de leurs droits d’auteur est un premier pas.