Opinion des médias belges : « Le projet d’interdiction totale de la publicité pour l’alcool ne règlera pas le problème de la dépendance, mais sanctionnera les consommateurs et les médias une fois de plus »

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Les médias belges réagissent à un avis du Conseil Supérieur de la Santé. Vous pouvez lire la réponse dans son intégralité ci-dessous.

À peine deux semaines après avoir voté une série d’interdictions sur l’alcool à la Chambre des représentants, le Conseil Supérieur de la Santé a émis un nouvel avis d’une grande portée. Outre de nombreuses nouvelles restrictions, il a soudainement décidé, en dehors du cadre politique existant, de recommander d’interdire totalement la publicité pour l’alcool.

Une telle interdiction totale de la publicité ne poursuit nullement l’objectif de lutter de manière ciblée contre la dépendance à l’alcool (en particulier chez les jeunes). Car en réalité, l’interdiction de la publicité ne concerne que les médias traditionnels. Cette interdiction ne fera qu’entraîner un déplacement et une surcharge de publicité en ligne, qui est difficilement contrôlable. Or, c’est précisément en ligne que les consommateurs sont le plus souvent confrontés à une pléthore de messages, sans aucune canalisation ni sensibilisation. L’autorégulation assurée par les médias traditionnels permet d’alerter les usagers sur les dangers de l’abus d’alcool.

Non seulement il est illusoire de croire qu’une interdiction totale de la publicité pourrait avoir un effet sur la dépendance à l’alcool, mais cette interdiction aura également un impact économique important. Les médias locaux belges verront une nouvelle fois disparaître des revenus cruciaux, qui se déplaceront un à un vers les grandes plateformes numériques internationales.

De plus, le train d’initiatives gouvernementales visant à interdire la publicité dans divers secteurs nuit à la durabilité et à la viabilité des entreprises médiatiques privées locales. Or , ce sont précisément les médias locaux qui, aux côtés du gouvernement et des différentes autorités, veulent lutter contre l’abus d’alcool. Les médias belges revendiquent depuis longtemps un rôle responsable dans la lutte contre l’abus d’alcool.

1. Autorégulation, contrôle et application

Le cadre d’autorégulation actuel de la publicité pour l’alcool, sous le contrôle du Jury d’Éthique Publicitaire (en abrégé « JEP »), est particulièrement efficace et a récemment été renforcé par un nouveau message éducatif obligatoire. Désormais, chaque publicité doit porter le message « L’abus d’alcool nuit à la santé », conformément à l’avis publié par le Conseil Supérieur de la Santé en 2018.

Le bon fonctionnement du JEP est démontré concrètement, entre autres, par l’impact que l’autorégulation a eu sur des cas spécifiques du secteur de l’alcool :

  • La Fédération des brasseurs belges et Vinum Et Spiritus, en concertation avec le JEP, ont élaboré en 2019 une procédure stricte pour soumettre les campagnes publicitaires de leurs membres de manière proactive (avant la diffusion) pour examen.
  • Dans les dossiers de plainte traités de 2019 à 2023 concernant la publicité pour les boissons alcoolisées en vertu du Pacte alcool, le JEP a suivi tout ou partie de l’avis du SPF Santé dans 75 % des cas.
  • En 2023, 12 dossiers de plainte liés à la publicité pour l’alcool ont été traités. Malgré le bon fonctionnement du JEP, le Plan interfédéral alcool mentionne la création d’un organisme indépendant chargé de contrôler le marketing de l’alcool. Le plan précise que cet organisme consultera le secteur. Nous pensons que ce rôle devrait être confié à l’organisme belge d’autorégulation de la publicité (JEP), qui fonctionne très bien.

2. Politique de canalisation et sensibilisation

Les médias belges souhaitent entamer un dialogue avec le gouvernement pour élaborer une politique de canalisation viable. Depuis le début 2023, les médias belges, les annonceurs belges et le Centre de Communication demandent une concertation pour lutter conjointement contre l’abus d’alcool, en vain. Des initiatives telles que « JEZ ! », « de Warmste Week », « Télévie » et « Viva for Life » démontrent clairement que les médias locaux peuvent jouer un rôle socialement pertinent dans divers domaines, en particulier auprès des groupes cibles les plus jeunes.

3. Uniformité de l’approche

L’inquiétude face à l’abus d’alcool est partagée par toutes les parties concernées, mais l’approche ne l’est pas, et est plus divisée que jamais. Nous prônons un dialogue ouvert commun entre les ministères de la Santé, de l’Économie, des Médias et de la Jeunesse, ainsi qu’avec les médias et annonceurs belges, afin de parvenir ensemble à un plan d’action uniforme et conforme aux accords politiques conclus dans le cadre du Plan interfédéral de lutte contre la consommation nocive d’alcool.

Contrairement à une interdiction totale de la publicité pour l’alcool, une approche uniforme, comprenant une politique de canalisation et un rôle responsable des médias dans la sensibilisation, aura un impact dans la lutte contre l’abus d’alcool.

Signataires

Signataires des fédérations belges des médias :

VIA – Féderation commerciale des médias audiovisuels
WE MEDIA – Fédération des Magazines
La Presse – Féderation des médias d’information francophones
AEA – Féderation du secteur de l’affichage