Belgian Corp Comm Summit : « Bring them where it hurts »

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« Notre société est confrontée à d’immenses défis », a déclaré l’animateur Luigi Sementilli lors de la 8e édition du Belgian Corp Comm Summit au Proximus Lounge à Bruxelles, organisé par C Square. Crises, Covid, guerres, climat, etc. L’entreprise peut-elle rester juste une entreprise ? Et quel est le rôle des professionnel·les de la communication d’entreprise ?

« Quel pouvoir avons-nous, en tant que professionnel·les de la communication, de changer le monde ? », s’interroge Veerle Van Mierlo (présidente de C Square). « Pouvons-nous nous permettre de rester neutres et de ne pas faire de choix ? En tant que secteur de la communication, nous avons beaucoup d’influence. Les entreprises ont le potentiel de rendre leur empreinte écologique très faible, mais notre brain power peut être très fort. »

« Je voulais pouvoir donner un but à mon travail », a déclaré Olivier François Associate Director North Europe de Too Good to Go. Too Good to Go est une application qui lutte contre le gaspillage alimentaire en offrant aux exploitant·es de magasins et de restaurants une plateforme où ils et elles peuvent signaler leurs excédents. Ceux-ci peuvent ensuite être proposés à un prix beaucoup plus bas aux parties intéressées, dans ce que l’on appelle des « sacs surprises ». « C’est ce que nous appelons le modèle ‘Win Win Win’ : en tant que consommateur·rice, vous obtenez votre nourriture à un tiers du prix initial, en tant que partenaire, vous évitez que vos excédents ne finissent à la poubelle, et le grand gagnant est la planète, car moins de gaspillage alimentaire a un impact sur la planète. » Pour donner un ordre d’idée, Olivier François nous dit que les surplus alimentaires sont responsables de 10% des gaz à effet de serre.

En tant qu’entreprise, pouvez-vous simplement vous créer un ‘purpose’ si votre modèle d’entreprise n’avait initialement qu’un but économique ? « Si la finalité n’est qu’une stratégie de communication ou de marketing, cela peut mal tourner. Il est très important que l’entreprise s’approprie réellement l’objectif, qu’il soit réel et authentique, et ce n’est qu’ensuite que vous pourrez commencer à l’incorporer dans votre stratégie. Sinon, les gens ne croiront pas non plus à votre message. »

Le fait que le message de Too Good to Go ait été présent dès le départ et qu’il soit authentique se reflète dans la croissance continue de l’application. « Nous sommes devenus la plus grande marketplace B2C au monde et nous occupons la 7e place des applications de produits alimentaires et de boissons les plus téléchargées au monde », déclare Olivier François. « 30% de nos leads potentiels nous parviennent de manière organique : des personnes qui ont une entreprise et qui nous contactent pour collaborer. Nous ne travaillons pas vraiment avec un budget publicitaire. 70% de nos utilisateur·rices viennent à nous de manière organique. Comment cela est-il possible ? Notre histoire est essentielle et c’est notre mission qui attire les gens. Le bouche-à-oreille est le principal moteur pour inciter de plus en plus de personnes à utiliser notre application. Et ce sont également nos utilisateur·rices qui sont nos plus grands influenceur·euses : la majorité de notre visibilité provient des relles et stories que nos utilisateur·rices publient à propos de Too Good to Go sur leurs réseaux sociaux. »

Un panel de discussion, modéré par l’animateur, a immédiatement suivi avec Bruno Colmant (Professeur d’économie, Solvay-ULB, UCLouvain, Vlerick ; membre de l’Académie royale de Belgique), Brahim Zarouali (Professor of Persuasive Communication & Digital Media, KU Leuven), Annick Boyen (VP Communications Global Markets and External Affairs EU, Unilever) et Paul Gérard (Rédacteur en chef, L’Echo).

Bruno Colmant : « Dans une économie de marché, la communication doit subir la même pulsation que le marché. Il ne peut pas y avoir de manque de synchronicité entre un cours de bourse qui se reforme et une information qui est donnée par l’entreprise. Les actionnaires demandent à avoir une vision holistique de l’entreprise. Il y a 20 ans, la communication d’entreprise, c’était le compte annuel. Aujourd’hui, il y a un rapprochement entre la vie de l’entreprise et la communication. Aujourd’hui, la vision ‘business is business’ n’est plus acceptable. Les entreprises sont l’interface entre les facteurs de production et le consommateur final. Leur rôle est plus large qu’on ne l’imagine. Les entreprises jouent aujourd’hui un rôle crucial dans tous les changements sociaux. Il existe un nouveau type de compatibilité, car les impacts environnementaux entrent désormais en ligne de compte. Je ne pense pas qu’une entreprise veuille spontanément être plus vertueuse que les autres. C’est à nous de les pousser à l’être. »

Paul Gérard : « L’entreprise doit-elle changer ? Doit-elle penser à autre chose qu’au business ? Oui, elle doit le faire. Si une entreprise qui ne se pose pas ces questions (sur les responsabilités sociales, ndlr) aujourd’hui, elle court à sa perte. Pour Too Good to Go, c’est plus évident, parce qu’ils en parlent depuis le début, mais pour d’autres entreprises, c’est plus difficile. Mais si, en tant qu’entreprise, vous n’êtes pas encore prêt pour cela, vous devez d’abord travailler en interne avant de communiquer à l’extérieur sur votre purpose. »

Annick Boyen : « Bring them where it hurts. Dans les conseils d’administration, il y a parfois un risque de rester dans sa propre bulle. Notre rôle, en tant que professionnel·les de la communication, est de laisser entrer l’extérieur, dans le sens de : quelles sont les tendances, qu’est-ce que nous voyons, non seulement en tant que consommateur·rices, mais aussi en tant que contribuables, en tant qu’électeur·rices, et qu’est-ce qui se prépare ? Et comment rendre ces éléments pertinents pour les conseils d’administration ? Très concrètement, lorsque notre CEO se rend dans un pays comme l’Inde, il a les pieds dans la boue, il parle à un agriculteur qui fournit des ingrédients à Unilever, puis il se rend dans les bidonvilles et voit à quoi ressemblent les toilettes. Mais ‘bring them where it hurts’- signifie aussi avoir des conversations avec les gens qui vous attaquent. »

Brahim Zaroualli : « La pression sociale existe bel et bien. Nous ne devrions pas supposer que l’inclusion d’un rôle social est sans engagement. Les organisations ne sont pas de simples entités économiques ; elles se sont également imbriquées dans le tissu social de notre société. Il est donc normal que les stakeholders aient des attentes. Aujourd’hui, le rôle de la numérisation est important dans la devise ‘Practice what you preach’. Les stakeholders ont plus de pouvoir aujourd’hui que jamais grâce aux réseaux sociaux. Ainsi, si vous ne ‘pratiquez pas ce que vous prêchez’, vous pouvez être tenu·e pour responsable sur les médias sociaux, voire mis·e au pilori. Les consommateur·rices, les citoyen·nes et les stakeholders ont plus de pouvoir que jamais. »