Nous profitons de cette fin d’année pour réaliser une interview avec Thierry Hugot, directeur marketing et commercial, en guise de clôture de 2019. L’occasion de dresser le bilan médiatique de l’année écoulée et d’évoquer les projets futurs. Thierry Hugot fait le point sur la situation actuelle du marché belge, non sans quelques réserves.
Comment le marché des médias belges se porte-t-il ? Il n’est pas en forme olympique. Loin de là. Au-dessus de lui plane le spectre des GAFA. En effet, il y a quelques mois, la polémique éclatait, suscitant de nombreuses réactions de la part des médias : Google refusait de se soumettre au « droit voisin », nouveau mécanisme censé garantir une meilleure répartition des revenus du numérique au bénéfice des producteurs d’information. Ce qu’a fait Google, « c’est un bras d’honneur », s’offusquait Mounir Mahjoub, le secrétaire d’État français. Une nouvelle mesure juridique qui part en fumée, « pour l’instant ça fait pschitt ! », s’exclame Thierry Hugot.
Un appel à la collaboration
De nos jours, la mainmise des GAFA sur le numérique fait de l’ombre aux acteurs médiatiques. Ces géants internationaux détiennent plus de 75% du paysage digital. Les médias, eux, se disputent le pourcentage restant. Cette situation laisse perplexe : quel avenir pour l’information, les médias et le contenu original ? Pour se défaire de l’emprise des GAFA, le directeur de Rossel Advertising lance un appel à la collaboration, à la créativité partagée. Il faut créer des offres et des nouveautés ensemble.
Outre la nébuleuse GAFA, véritable écueil structurel au sein du marché belge, se pose le problème de la conjoncture. « Il n’y a pas que l’internet qui a souffert en Belgique. Ne plus avoir de gouvernement rend la situation floue. » En effet, sans gouvernement, nul ne sait de quoi sera fait l’avenir fiscal de nombreux domaines d’activité. « Le marché médiatique est un marché atone car il y peu de procédures de relance et de primes à la consommation dans notre pays. Ce sont toujours de bons prétextes pour communiquer», explique le directeur.
Autre problème : les grands acteurs médias se tournent vers l’étranger pour amortir leurs investissements. « La Belgique n’est plus un marché test. Elle est devenue trop petite aux yeux des opérateurs mondiaux pour servir de marché test », constate Thierry Hugot.
Les tendances au sein du marché médiatique
Plusieurs tendances de fond s’esquissent dans le marché des médias et l’impactent, en Belgique et ailleurs. La vidéo est devenue l’un des chevaux de bataille des acteurs médias, véritable force mainstream de la publicité. « C’est quelque chose qui marche très bien », avance le directeur, et tout le monde l’investit, éditeurs comme annonceurs. Ce boost de la vidéo va également profiter de la TV segmentée qui le dopera et l’alimentera.
Le groupe Rossel investit aussi cette tendance avec le player vidéo Digiteka, dont Thierry Hugot est le président (Rossel-Sipa Ouest). Cette société propose des solutions vidéo innovantes permettant « d’atteindre chaque mois plus de 8.3 millions de vidéonautes uniques sur desktop. »
Rossel réserve également un autre destin à sa publicité papier avec l’e-read, qui sera lancé dès janvier 2020. Le but étant de reprendre dans le digital toutes les pubs du papier. « Toutes les zones de lecture, à distinguer de celle du surf, sur nos sites proposeront des publicités prints intégrées et adaptées au web. Mais ça restera le même visuel », explique le directeur.
Quel avenir « brand safety » pour la vidéo ? Un label vidéo Digital Ad Trust est prévu pour l’année prochaine, en collaboration avec VIA (Association des médias audiovisuels). Lancé en 2019, le label Digital Ad Trust vise à garantir la qualité des espaces publicitaires digitaux proposés aux annonceurs par les régies, réseaux et éditeurs. En 2020, il concernera aussi le display vidéo.
Les abonnements digitaux payants augmentent
Une autre tendance est celle des abonnements payants. « Depuis deux ans, ça s’accélère fortement », constate Thierry Hugot. Les ventes digitales explosent. Les journaux français tels que Le Monde et Le Figaro totalisent entre 200.000 et 300.000 abonnés digitaux payants. « Chez nous, un abonnement sur deux est un abonnement digital. »
Et niveau rentabilité ? La marge n’est pas plus grande que pour le print. Le digital coûte cher. C’est beaucoup d’investissement en développement et en IT. « On économise le papier et la livraison mais d’un autre côté on vend moitié moins cher. Quand vous regardez un investissement fixe et la maintenance c’est largement ce que coûte une rotative tous les 20 ans. L’IT c’est 15 à 20 millions par an minimum. », chiffre le directeur.
E-fluenz et le nouveau marketing
En 2019, les influenceurs ont fait leur entrée dans le marché des médias et ont changé la manière de faire du marketing. « C’est une nouvelle manière de présenter la publicité. » Rossel a investi dans cette nouvelle tendance avec E-fluenz, une agence chargée du recrutement des influenceurs. . « C’est simple, on demande quel type d’influenceur on souhaite (B2B, food, etc.), on s’assure que celui-ci soit sérieux respecte bien ce qu’on lui demande puis on travaille le reporting», explique Thierry Hugot. Un concours, un évènement, un lancement de produit ? Selon ce dernier, autant le faire par un réseau d’influenceurs qui mettra directement la marque en évidence. « Quand on fait une campagne avec des influenceurs, on voit que le taux de lecteurs est plus élevé et le temps de lecture aussi. »
2019 : l’année de la data
En outre, cette année marque le lancement de la data qui a connu un rayonnement international. Celle-ci est devenue un indispensable des marketeurs dans leur portefeuille et dans leur relation client (CRM). Ils en ont besoin. « C’est devenu une préoccupation pour tout le monde : les annonceurs, les agences, etc. », constate le directeur.
Le son et les podcasts ont également fait leurs premiers pas dans le marché médiatique. Qu’ils soient publicitaires ou rédactionnels, ceux-ci demeurent un véritable chantier. « 2020 ne sera pas encore un boost fantastique pour les podcasts. D’ici quelques années peut-être. », avance Thierry Hugot.
Le monde médiatique est mis en branle par de nouvelles tendances avec lesquelles tous les acteurs médias doivent composer. Le marketeur doit penser comme son public cible, il passe par l’influenceur pour vendre au mieux son produit, il diffuse sa marque par le son, la vidéo, il exploite la data, etc. « On doit être dans tout. On est producteur, diffuseur, on analyse, on cible et on vérifie les contenus. C’est sûr que notre métier a beaucoup évolué ».