MediaSpecs Summer Interview 2/9 – Maison Moderne, une « tribu » média dans l’air du temps

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Maison Moderne est une entreprise média indépendante luxembourgeoise forte de 125 collaborateurs et de 27 ans d’existence. Initialement société d’édition, l’entreprise n’a cessé d’évoluer et de diversifier ses services au fil des années afin de former un écosystème unique. « Nous avons réussi à nous faire notre place au niveau des audiences et de la clientèle qui est existante », se félicite Mike Koedinger, fondateur de Maison Moderne et actuellement Publishing Director ad interim. Une renommée qui n’empêche pas la société de rester critique à court terme et d’investir positivement sur la durée.

‘Challenger today, leader tomorrow’. « Nous nous engageons pour le développement à long terme du Luxembourg et nous contribuons à l’évolution de la société et au rayonnement international du pays en accompagnant tout développement politique, social et culturel de manière critique et constructive. » Le tout en trouvant les meilleures solutions et en mettant l’accent sur les forces innovantes et créatives du pays.

Depuis le printemps 2021, Maison Moderne présente une mouture inédite, réorganisée selon trois business lines : la Publishing House, le Business Club et le Brand Studio. La Publishing House prend en charge les deux marques média phares de la société : Paperjam, le mensuel économique et financier et Delano, le magazine de référence pour l’ensemble de la communauté anglophone active du Luxembourg. « L’écosystème qui accompagne ces deux titres est similaire : le digital, soit l’information en continu, avec les sites web, des newsletters quotidiennes et thématiques, des solutions natives et le print avec des suppléments et des hors-séries annuels », explique Mike Koedinger.

Le Business Club incarne la marque de fabrique même de Maison Moderne. « Il ne s’agit pas d’un endroit à proprement parler comme on peut le connaître en Belgique. C’est un véritable club, regroupant 1300 entreprises membres, qui organise presque 300 événements sur l’année et inclut des formations. » De quoi permettre de faire du networking et de s’adresser à tout type de public, généraliste comme de niche.

« Notre spécificité est que nous nous adressons à toutes les professions issues de secteurs variés et à des personnes actives à différents stades de leur carrière. Tout le monde y trouve sa place, selon les événements. »

Depuis quelques semaines, les événements du Business Club ont repris, dans le respect des mesures sanitaires. Les 10 ans d’existence du magazine Delano seront célébrés le 13 juillet au cours d’un événement inédit.

Le Brand Studio résulte de la fusion entre la régie et la content agency de Maison Moderne. Cette nouvelle entité, dirigée par Youcef Damardji, reflète bien la nouvelle approche commerciale de la société, soucieuse de mettre l’écoute et le conseil avant la vente. Outre la commercialisation des espaces publicitaires de Paperjam et Delano, le Brand Studio s’occupe de la création et de l’édition de magazines internes pour ses clients. Il y a par exemple le magazine Paperjam + Delano Inflight : un concept éditorial qui unit trois marques fortes (Paperjam, Delano et Luxair), déployé en plusieurs numéros inflights. Ces éditions bilingues sont diffusées sur l’ensemble des vols Luxair et offrent du contenu sur les voyages et sur les actualités de la compagnie Luxair Airline tout en reprenant le meilleur des deux magazines luxembourgeois. « L’objectif c’est de donner un autre regard à nos marques. En les distribuant dans l’aéroport et dans les avions, nous leur offrons une autre visibilité », complète Mike Koedinger.

Ce business model tripartite vise à diversifier les sources de revenus de la société. « L’écosystème de Maison Moderne ne tient pas en ces trois business lines distinctes. Elles s’interconnectent, l’une alimentant l’autre. C’est quelque chose de vertueux avec de la création de valeur constante. Je ne pense pas qu’une telle situation puisse forcément fonctionner en Belgique, le marché est très différent. »

Réformer l’aide aux médias pour la rendre plus contemporaine

A ce propos, le Publishing Director pointe une autre différence du marché luxembourgeois, qu’il définit comme un business fécond. « Le Luxembourg est un marché porteur car nous avons une situation de capitale-pays, un peu comme Singapour, il n’y a que la capitale, finalement. Le business y est donc omniprésent et il ne peut être que favorable aux médias surtout s’ils sont spécialisés en économie. C’est un avantage par rapport aux autres pays où il y a des zones rurales avec des business très faibles. »

Une autre différence notoire : la réforme de l’aide de l’État aux médias. Celle-ci a été initiée en 2013 par le Premier ministre et ministre des Médias Xavier Bettel, qui estimait que la loi des années 1970 relative aux médias était obsolète et ne tenait pas compte du digital. Après de nombreuses tractations avec les acteurs de l’industrie médiatique, 7 ans plus tard, le projet de réforme a été ratifié. « Il y a quelques jours, la Commission Européenne a validé le schéma d’aide à Bruxelles. La loi pourrait être votée fin juillet ou dès la rentrée », se réjouit Mike Koedinger.

Pour lui, cette réforme initie plusieurs grandes mutations. Tout d’abord, un changement de paradigme. Auparavant, l’aide de l’État était seulement attribuée à la presse écrite imprimée hebdomadaire et quotidienne. Celle-ci dépendait du nombre de pages écrites et de leur taille. Plus on écrivait, plus on recevait de l’argent. Un soutien louable qui a cependant fini par desservir la qualité au profit de la quantité. « Certains médias se sont arrangés pour produire beaucoup de contenus mais pas forcément le meilleur. » Pour pallier cette situation, la nouvelle loi prévoit une aide variable selon le nombre de journalistes engagés.

« Avec plus de journalistes, vous avez les moyens de livrer un journalisme de qualité si vous le souhaitez. »

Ensuite, sont dorénavant inclus : le digital, la presse non-payante et les mensuels d’information générale. L’inclusion s’est également opérée au niveau des langues : initialement, les médias rémunérés par le service public devaient être soit en allemand soit en français. Désormais, ils peuvent être en portugais ou en anglais. « La loi prévoit même d’intégrer n’importe quelle langue à partir du moment qu’elle touche plus de 15% de la population. » Enfin, les médias émergents sont considérés: les critères à remplir pour prétendre à une aide ont été réduits et simplifiés. « C’est quelque chose d’extraordinaire… Quelque temps après le vote de cette loi, nous pourrons voir apparaître de nouveaux médias au Luxembourg. Cela sera une concurrence saine, intelligente avec de nouvelles idées. De plus, cette révision pourra toujours être discutée. »

Quel impact cette réforme aura-t-elle sur Maison Moderne ? Aujourd’hui, la société ne bénéficie que d’une micro-aide pour le digital. « Grâce à cette nouvelle loi, nous allons recevoir un montant beaucoup plus important que celui que nous avons déjà. Cela nous permettra surtout d’engager plus de journalistes et de répondre à nos promesses faites aux lecteurs. Il s’agit d’une chance pour nous mais aussi pour les médias historiques car cela les encourage à évoluer. »

Parmi les événements récurrents du Business Club de Maison Moderne, on retrouve notamment la célèbre conférence 10×6 où 10 personnes d’influence viennent parler pendant 6 minutes.

À la recherche d’une tribu

Une opportunité supplémentaire pour Maison Moderne qui, entre temps, en a déjà saisi d’autres pour proposer d’ici la rentrée 2021 des projets nouveaux et inédits. L’entreprise s’est par exemple demandé ce qui pouvait différencier les lecteurs de Paperjam et de Delano des autres médias luxembourgeois. A l’instar des acronymes ‘Yuppies’ (Young Urban Professionals) et ‘Dinks’ (Double Income No Kids) de la fin des années 1980- début des années 1990 ou de l’appellation ‘Digital native’ de nos jours, néologismes créés pour désigner une cible qui jusqu’alors était indescriptible, la société a cherché à nommer sa ‘tribu’ : « une tribu est composée de différentes communautés », précise le Publishing Director.

Pour ce faire, « nous avons approché un anthropologue qui a rencontré des clients, des lecteurs, des membres et aussi notre équipe. Son travail a suscité beaucoup d’enthousiasme. De celui-ci sont sortis un terme pour désigner le public et un manifeste. » Afin d’appréhender l’adhésion du lectorat à plus grande échelle, une dizaine de phrases ont été tirées du manifeste, et plus de 1000 personnes ont déjà participé. Lors de la semaine du 21 juin, il a été constaté un fort pourcentage d’adhésion (déterminé sur base de trois degrés : plutôt d’accord, complètement d’accord et d’accord) pour 1300 participants. A titre d’exemple, la phrase “Je suis attaché au Luxembourg pour son agilité, sa diversité, son dynamisme, son pragmatisme, son confort et sa sécurité” a récolté 92% d’adhésion.*

Résultat ? « Nous avons une audience qui a des valeurs et est en pleine transition. Elle n’est pas humainement parfaite mais elle veut changer. Cela nous réconforte énormément. »

« Avec cette nouvelle terminologie, nous comptons d’une part séduire nos annonceurs, et d’autre part, nous positionner de manière inédite par rapport à d’autres médias luxembourgeois, jugés par les lecteurs plus polémiques, plus traditionnels ou encore non engagés. »

Mission déjà réussie pour Paperjam qui s’impose comme un média de référence auprès de la jeune génération. En effet, d’après l’étude TNSilres Plurimedia 2021.I, 37,4% des lecteurs du magazine économique ont moins de 35 ans. « Ces jeunes dirigeants qui reprennent l’entreprise familiale ont pris l’habitude de lire ce magazine. Il leur parle. C’est une vraie révolution. Nous avons réussi à renouveler notre lectorat tout en gardant nos anciens et fidèles lecteurs. »

Comme toutes les sociétés média, Maison Moderne a fortement été touchée par la crise, avec des revenus à la baisse, l’entreprise a été contrainte de se réinventer. Elle a continué ses activités. Pour Mike Koedinger, la crise sanitaire n’était autre que l’écho de la crise financière de 2008, durant laquelle lui-même et ses collaborateurs sont restés optimistes et ont développé de nouvelles solutions. « Nous avons été en mode création pendant cette année alors que d’autres sociétés ne l’étaient pas. Nous étions prêts et on a lancé le Business Club, le magazine d’architecture, etc. C’était le moment le moins cher pour développer des choses, être plus disponible, etc. C’était un vrai moyen anti-dépression et en 2020 nous avons rappelé cela aux équipes. Au fond un mauvais bilan sur une année ou deux ce n’est pas si grave, du moment qu’on crée de la valeur sur 10 ans », conclut-il.

*Plus d’informations sur ce projet seront dévoilées par Maison Moderne à la rentrée 2021, le 22 septembre à 11h, au Kinepolis Kirchberg.