MediaSpecs Summer Interview 3/9 – Rapid Media : pionniers de profession et fondateurs de l’“ambient media” en Belgique

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Gand, 1999. Trois étudiants font connaissance. Du haut de leurs 20 ans, ils écument les cafés pour y coller des affiches. Leurs expériences personnelles cumulées rassemblent cinq centres-villes flamands et Bruxelles. Ce sont ces trois étudiants qui ont fait de Rapid Media le leader incontestable de l’« ambient media » en Belgique.

Ambient, qu’est-ce que c’est ? « C’est l’originalité, la flexibilité, le non-conformisme et la créativité », explique Thomas Verdeyen (à gauche sur la photo), l’un des membres du triumvirat de Rapid, avec Jan Vanbriel (au centre) et Peggy Van Dingenen (à droite).

Ambient, qu’est-ce que c’est ?

Le média « ambient », une forme de guérilla marketing, consiste à utiliser des objets et des lieux inhabituels comme support publicitaire. L’effet de surprise crée un impact plus grand et plus durable. Le portefeuille de Rapid Media fournit un aperçu très concret de ce qu’est le média « ambient ».

Des objets non-traditionnels : Sous-verres, gobelets à café, sets de table, sacs à pain, sacs compostables, sacs réutilisables.

Des displays non-traditionnels : Beam Holocube (projections holographiques 3D), Beam Projections (projections sur façade), Ad Walls (fresques murales).

Rapid Media propose aussi une option guérilla Tags et Pochoirs, et des médias out-of-home traditionnels : Affichage indoor et Affichage outdoor, Publi-cadres (avec un réseau Culture à l’école), Toiles de chantier à Pukkelpop, Distribution de folders.

En haut de g. à dr.: sous-verres, sacs à pain, Ad Walls, tags au sol. En bas de g. à dr.: fresques à la craie, Holocube, projections sur bâtiments

« Pourquoi est-ce si compliqué ? » : Les étudiants deviennent professionnels

« Pour la promotion d’un nouveau film, nous avons imprimé 2.000 affiches qui doivent être distribuées à Gand, Anvers, Bruxelles, Louvain et Hasselt. »

« La demande venait d’un distributeur de films anversois. Nous avions 20 ans et nous étions seulement trois. Après les cours et en soirée, avec notre sac à dos, nous prenions le train de Gand vers Bruxelles ou vers Louvain. Nous faisions le tour des cafés. C’est comme cela que tout a commencé. Depuis 2002, nous avons officialisé notre activité. »

Peu à peu, Jan, Peggy et Thomas ont ajouté de nouvelles pièces à leur patchwork de possibilités publicitaires. « En 2003, nous avons été contactés par Behoud de Begeerte pour un projet subsidié par l’Union européenne, Literaal, qui visait à sensibiliser les vacanciers de la côte belge à la culture. Ils cherchaient un partenaire de terrain et avaient l’idée d’imprimer des sacs à pain et des sous-verres. À partir de là, nous avons pu élargir notre portefeuille avec un réseau de boulangers et de cafés à la côte. Avec ces nouveaux produits, nous avons commencé à donner des présentations aux agences de pub et de com, sans connaître les codes de ce monde : Ambient, réseaux, ou même régie… nous nous sommes demandé : « Pourquoi est-ce si compliqué ? ». »

« Notre approche a toujours été de faire les choses indépendamment de quiconque, vu que nous nous développions de manière organique. »

Jan, Peggy et Thomas cherchaient une solution aux problèmes d’affichage auxquels ils avaient été confrontés dans leur jeunesse. « Au début, nous collions des affiches classiques qui étaient rapidement recouvertes par d’autres. Au fil du temps, nous nous retrouvions souvent face aux colleurs locaux et nous avons connu toutes sortes d’intimidations. Pour remédier à cela, nous avons estimé que le mieux était de mettre en place un réseau de cadres. » À cette époque, le trio avait engagé deux collaborateurs qui ont pu apporter leur expérience : Rapid Media gagnait en professionnalisme. « Nous nous sommes familiarisés davantage avec les réseaux. Je me souviens très bien que Jos Van Campenhout (qui était collaborateur chez PTOC à l’époque) souhaitait un réseau de cadres à Louvain, où la visibilité en extérieur était très faible. Nous avons alors mis sur pied un réseau en une ou deux semaines. »

Résultat du travail acharné de Rapid : cadres à Louvain constituants un réseau auto-développé

Grâce à la diversification de ses réseaux, Rapid Media pouvait désormais assumer des campagnes plus importantes, mais continuait aussi à réaliser des petites campagnes. « Chez nous, tous les clients sont les bienvenus, même avec un très petit budget. Nous nous appliquons à proposer les campagnes les plus ciblées, les plus locales et les plus rentables possible. »

Buzz viral avec des boules de Berlin

Le big break s’est produit en 2005, lorsque la jeune entreprise Rapid Media recevait un brief de Duval Guillaume pour Virgin Express. Ils voulaient mettre en avant leur nouvelle ligne aérienne Bruxelles-Berlin en distribuant gratuitement des boules de Berlin. Rapid Media acheta donc immédiatement des boules de Berlin chez environ 2.000 boulangers. Le lendemain, les clients recevaient une boule gratuite avec un drapeau Virgin Express planté dedans. « Nous avons dû nous surpasser pour mettre ce projet sur pied, mais nous avions d’un coup une liste de plus de 2.000 boulangers. » L’effet de buzz était jusqu’alors peu utilisé, et a attiré beaucoup d’attention médiatique, jusqu’à un effet viral. L’« ambient media » arrivait en Belgique, et désormais Rapid Media s’était fait un nom. « Personne n’avait utilisé l’ambient jusque-là. Tom Himpe a publié un livre(*) à la même époque sur l’ambient avec des exemples internationaux. » Rapid Media a pris ce nouveau segment.

Boules de Berlin gratuites chez 2.000 boulangers, via Duval Guillaume pour Virgin Express

Le charme de Rapid Media réside en grande partie dans son utilisation de l’interaction entre le out-of-home et le monde digital. « Beaucoup d’agences de pub veulent montrer leur savoir-faire aux Cannes Lions et autres. Plus c’est sot, mieux c’est. Nous assurons la réalisation, ils n’ont qu’à filmer le tout et lancer une campagne virale. » À la demande de Warner Music, par exemple, Rapid Media a réalisé l’été passé un dessin géant de Dua Lipa à la craie afin de réaliser une vidéo pour Tomorrowland. Pour Live Nation, ils ont également exécuté une fresque de Metallica pour leur show bruxellois. « Avec un drone, nous avons fait un film promotionnel avec lequel Live Nation a ouvert la vente des tickets. Cela a été viral et est passé à la TV. »

Rapid Media ne recule devant rien

« Notre histoire est très spontanée et organique. Lorsque quelque chose paraît spectaculaire, c’est finalement souvent très simple : Il faut juste chercher les bonnes solutions. » Rapid Media a créé pour Story, à nouveau via Duval Guillaume, une version ‘storywood’ de l’iconique panneau ‘Hollywood’. Pour trouver une colline le long du ring de Bruxelles où placer les lettres, Rapid Media a dû mener un véritable travail de détective et a finalement conclu un accord avec un fermier de Laeken. Souvent il faut se retrousser les manches et oser trouver des solutions créatives.

Lorsque le service Wegen en Verkeer à Gand leur indique que la projection sur les bâtiments est autorisée seulement pour les locataires du bâtiment, ils louent une toilette. Une façon simple de rester en règle vis-à-vis de la ville.

« Pour cela, nous sommes très compatibles avec la Belgique pour trouver des solutions créatives tout en respectant la loi. »

De g. à dr. : Fresque Dua Lipa à Tomorrowland, panneau Storywood sur le ring de Bruxelles, Text walking lane à Anvers

Rapid Media a, grâce à son approche, ouvert la voie à toutes sortes de nouveaux médias. « Cela commence avec un effet de surprise, pour ensuite normaliser plus facilement le concept et discuter avec la ville ». Parfois cela prend un certain temps. Pour l’ouverture d’un magasin de réparation de smartphones, un client souhaitait peindre un parcours dans Anvers, du centre jusqu’à son magasin. L’équipe de Rapid Media a travaillé toute une matinée pour tracer ce parcours à la craie. À la 4e patrouille, la police a finalement appelé sa centrale pour régler le problème. « Entre-temps, la vidéo était déjà en ligne et virale jusqu’à la BBC. Donc nous nous sommes arrêtés là. L’effet recherché était atteint. »

Innover : du flyer-éventail à la projection holographique

Selon Rapid Media, en Belgique les choses ne vont souvent pas assez vite. Thomas voyait au Japon au début du nouveau millénaire des « flyers-éventails » (Jap.: uchiha) distribués dans la rue et « des shows lumineux incroyables projetés contre les gratte-ciels ». Plus récemment, il a découvert partout des peintures murales publicitaires à Los Angeles. Ce sont trois formes de marketing qui manquaient à ce moment en Belgique.

Entre-temps, Rapid Media possède ses propres emplacements pour fresques murales, les Ad Walls. Ils ont aussi introduit les flyers-éventails en Belgique. « Nous faisions déjà des flyers habituels, qui ne retenaient plus assez l’attention. Or lorsque nous faisons quelque chose avec une vraie utilité, cela a un effet double. » Rapid Media a photoshopé des flyers-éventails et les a proposés aux annonceurs dans un mailing. « Si vous le vendez, vous avez le budget d’un client actif et ensuite vous êtes lancés ». Il faut juste que le poisson morde.

Gauche : peintures murales. Droite : flyers-éventails inspirés des ‘uchiha’ au Japon

C’était plus spectaculaire lorsque Rapid Media a commencé à simuler des projections à la manière des lightshows japonais. « Nous travaillions toujours jusque-là avec des petits formats. Ces projections étaient peut-être une manière de proposer des formats extrêmement grands. Nous avons d’abord fait une projection pour le lancement de FM Brussel, et puis une vraie campagne pour un produit de luxe de Nokia. Un budget incroyable. »

« Nous n’avions encore jamais travaillé avec de si gros budgets, nous n’avions encore aucun bagage technique pour les projections, ni aucun réseau de bâtiments. Les projecteurs étaient des dinosaures. En bref, cette campagne a été une opération nulle, mais avec du recul, tout s’est très bien passé. »

Projections : ‘Gent Schakelt Slim’ pour la Ville de Gand (en haut à gauche); pour Niko (en haut à droite); video mapping avec 9 projecteurs sur la maison échevinale d’Alost (en bas à gauche); à Anvers sur le Korsakov pour Desperados (en bas à droite)

Malgré le caractère inattendu et improvisé de ce projet, Rapid Media a pu beaucoup apprendre des techniciens qu’ils ont engagés. Ces connaissances étaient nécessaires pour l’étape suivante de leur développement. « Ensuite, en 2006, j’ai été contacté par Kris Muylaert chez Grey. British American Tobacco voulait lancer Kent sur le marché, avec un grand événement B2B à Schaerbeek. Ils voulaient exposer une vue éclatée du paquet de cigarette en hologramme 3D, et l’utiliser en interaction avec la présentation du CEO. »

« On nous a demandé : ‘Est-ce que vous faites de la projection holographique?’ J’ai alors pensé : ‘Non, pas encore, mais à partir de maintenant oui.’ »

« J’ai donc rapidement entamé des recherches, et Musion (à Londres) y travaillait depuis quelques années déjà. Vizoo (au Danemark) avait une Cheoptics, une sorte d’« Holocube » en forme de pyramide. Nous leur avons sous-traité le projet et nous devenions donc une société holographique. Ensuite nous avons pensé ‘il faut rendre ça moins cher, nous voulons le faire nous-même’. Joris Vanbriel, le frère de Jan, était fraichement diplômé en tant que concepteur de produits et nous lui avons fait une présentation. Nous avons développé ensemble l’Holocube et c’est devenu une activité en soi. »

L’Holocube, ici dans sa version Louis Vuitton, dans les magasins les plus emblématiques de la marque

L’Holocube s’internationalise

« L’Holocube et les projections sont pour nous une aventure très intéressante, qui s’est étendue à l’international. Nous sommes entrés en contact avec les mêmes clients qu’en Belgique, mais au niveau européen, où évidemment on travaille avec d’autres budgets. Nous avons constaté qu’il n’y avait finalement que trois entreprises qui s’intéressait sérieusement aux hologrammes dans le monde, et nous en faisions partie. »

Après 17 ans chez Rapid Media, passé d’étudiant à entrepreneur international, comment se sent-on? « Je suis fier de notre parcours et du groupe Rapid, qui est un grand groupe d’amis. Et je suis fier que nous ayons pu nous réinventer durant toutes ces années. Cela reste du out of home, de l’ambient, mais nous proposons toujours ce qui se fait de mieux dans le monde. » Une entreprise à garder à l’œil donc, car l’ambient est leur domaine et Jan, Peggy et Thomas gardent leur porte grande ouverte pour démontrer leur savoir-faire.

Plus d’informations

Rapid Media est basé à Anvers et est dirigé par Jan Vanbriel, Peggy Van Dingenen et Thomas Verdeyen, qui ont officialisé leur entreprise en 2002. Jan, Peggy et Thomas travaillent avec 10 collaborateurs pour la production, la logistique et l’exécution. Ils s’impliquent également volontiers dans la création.

L’entreprise est spécialisée dans le out of home non-traditionnel et possède aujourd’hui un réseau de 2.500 localisations en Belgique. À coté de l’offre existante, elle développe avec plaisir de nouvelles idées. Grands et petits budgets, nationaux ou locaux, fous ou moins fous.

Tous les tarifs publicitaires et les coordonnées de Rapid Media sont renseignés dans la base de données MediaSpecs.

(*) Himpe, Tom. 2006. Advertising is Dead. Long Live Advertising!. Amsterdam: BIS Publishers.