L’UMA Get Together et l’UBA Media Date esquissent l’avenir des médias et du marketing

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Ce mardi 27 août se tenait à Dolce La Hulpe le désormais traditionnel rendez-vous de la rentrée médiatique : l’UMA Get Together et l’UBA Media Date. Fidèle à lui-même, l’événement a offert une plateforme à des expert·es de l’industrie pour partager leurs idées sur l’évolution du paysage des médias et du marketing. Brillamment modéré par Bart De Pauw, l’événement de cette année a été marqué par une série de présentations qui ont non seulement mis en lumière les défis auxquels le secteur est confronté, mais qui ont également proposé des solutions durables.

La vision de l’UMA pour l’avenir par Hugues Rey

Hugues Rey, président de l’UMA, a ouvert l’événement par un discours à la fois inspiré et tourné vers l’avenir, à l’image de l’UMA elle-même. « Jamais 2 sans 3 », se félicite-t-il en soulignant le succès de cette troisième édition de l’événement, qui avait été lancé pour réunir l’industrie après le covid-19. Il ajoute que la vocation de l’UMA ne se limite pas à organiser des conférences, mais vise à favoriser l’émergence d’une communauté, l’épanouissement d’un écosystème.

« Selon une étude de Warc, le marché de la publicité représente 1000 milliards de dollars. La Belgique représente 0,12% de ces investissements. Devrait-on s’angoisser de peser peu ? Pas forcément, car nous avons la force du local » – Hugues Rey

Insistant sur l’importance du local, alors que les mastodontes que sont les GAFAM mobilisent en moyenne 44% des investissements publicitaires au niveau mondial, Hugues Rey nous avertit : « Il est dangereux de négliger notre écosystème local. Si nous ne lui prêtons pas attention, nous risquons d’en arriver au point où les annonceurs locaux, les agences et même les citoyens perdront leurs points de contact locaux. » Son message est clair : l’UMA doit continuer à défendre la valeur des agences médias en tant qu’intermédiaires, en veillant à ce que le marché local reste dynamique et compétitif.

Hugues Rey fait également le point sur le coût des pitchs des agences en Belgique, qui s’élève à 5,187 millions d’euros. Bien que ces appels d’offres soient essentiels pour trouver les bons partenaires, il appelle à une approche plus rationnelle afin de réduire les coûts et accroître l’efficacité. Sa suggestion ? Les marques pourraient présélectionner les agences de manière plus rigoureuse afin de gagner du temps et économiser des ressources. « Il n’y a généralement qu’un gagnant pendant les pitchs. En éliminant un perdant, nous économisons beaucoup d’argent en heures de travail ». Hugues Rey conclut son discours en réaffirmant la mission de l’UMA : « Emulate, Educate et Energize ». Émuler, éduquer et énergiser le marché, en veillant à mettre les 956 talents de l’UMA dans les meilleures positions possibles.

Le pouvoir du showmanship dans la publicité | Orlando Wood

Orlando Wood, Chief Innovation Officer au sein du groupe System1, a présenté une session édifiante sur l’efficacité créative (creative efficiency), en s’appuyant sur sa vaste expérience et ses recherches sur plus de 26.000 publicités.

We’ve moved from showmanship to salesmanship” – Orlando Wood

Se penchant d’abord sur l’évolution historique de la publicité, il oppose les publicités émotionnelles et narratives du passé au contenu plus fonctionnel et axé sur la vente d’aujourd’hui. « Nous sommes passés de l’art du spectacle à l’art de la vente », observe Orlando. En effet, dans les années 1960, DDB a mis en marche une révolution créative en créant pour VW une publicité ayant le but de charmer et captiver par le récit et une narration pleine d’esprit. Toutefois, la tendance actuelle est à des publicités purement axées sur la vente.

Selon Orlando Wood, cette évolution a entraîné une perte de dynamisme créatif, les publicités modernes ne parvenant souvent pas à susciter une résonance émotionnelle chez le public. S’appuyant sur des études neuroscientifiques, il explique que l’hémisphère droit du cerveau, qui traite les émotions, les récits et la compréhension générale du contexte, est essentiel pour capter l’attention et développer une affinité avec la marque. À l’inverse, l’hémisphère gauche, qui est plus analytique et se concentre sur la catégorisation, est plus réceptif au type de publicité qui donne la priorité aux caractéristiques du produit plutôt qu’à la connexion émotionnelle.

« Nous avons besoin d’une nouvelle révolution créative ! », exhorte Orlando Wood. Il propose ses trois principes fondamentaux pour faire une bonne publicité en tout showmanship : Moto e Azione (jouer sur les représentations visuelles des émotions, avec des mouvements et actions corporelles qui marquent les moments cruciaux d’une histoire), Fluent Device (des personnages ou thèmes de la marque utilisés de façon répétée, comme les personnages de M&M’s), et Humour (un outil puissant pour susciter l’engagement et créer des associations positives avec la marque). « L’humour a disparu et doit revenir », insiste Orlando Wood, précisant qu’il permet non seulement de capter l’attention, mais aussi de rendre les publicités plus mémorables. En adoptant ces principes, Orlando pense que les marques peuvent rétablir la confiance avec les consommateur·rices, renforcer leur notoriété et bénéficier d’une croissance à long terme.

La durabilité est un avantage stratégique | Tom Denford

Tom Denford, cofondateur et CEO d’ID Comms, a abordé la question urgente de la durabilité dans les médias et la publicité. Il brosse un tableau du paysage médiatique actuel, établissant un parallèle avec des personnages notoires comme Al Capone pour illustrer la nécessité d’une approche plus éthique et plus transparente dans le secteur. « L’exemple d’Al Capone peut-il nous aider à passer de la situation actuelle en marketing digital, qui est perdant-perdant, à une situation gagnant-gagnant ? » nous demande Tom Denford d’un air énigmatique.

C’est lors d’une interview aver Bill Duggan, Executive VP à l’Assocation of National Advertisers (US), que l’idée a émergé : « La durabilité a le potentiel d’être le moment ‘Al Capone’ de la publicité programmatique. » Bien qu’étant un criminel notoire, Al Capone n’a pas été arrêté pour ses activités de gangster, mais pour fraude fiscale. Mais le résultat est le même : il a bel et bien fini en prison. Parfois, on peut faire d’une pierre deux coups ! On peut tracer le même parallèle dans notre industrie : incorporer des pratiques plus durables pourrait en même temps régler d’autres problèmes, comme celui de la transparence de la chaîne logistique des publicités programmatiques.

Tom Denford souligne la demande croissante des consommateur·rices pour que les marques prennent des mesures significatives sur le changement climatique. 75% des consommateur·rices déclarant qu’ils et elles choisissent en priorité des marques avec une meilleure empreinte carbone. Il appelle les spécialistes du marketing à prendre les devants, et pas seulement à suivre les tendances, en faisant du développement durable un élément central de leurs stratégies médiatiques. Les trois mesures à prendre selon lui : Mesurer les émissions et les déchets, Intégrer le développement durable dans les plans médias et Promouvoir le changement. « What gets measured gets managed », rappelle Tom Denford à l’auditoire, en préconisant l’utilisation de calculateurs carbone et d’audits de durabilité pour suivre et améliorer l’impact environnemental des campagnes médiatiques.

Tom Denford insiste également sur les implications plus larges de la qualité dans la publicité, arguant que la durabilité n’est pas seulement un impératif moral, mais un avantage stratégique. En se concentrant sur la qualité et en réduisant les impressions gaspillées, les marques peuvent améliorer l’efficacité, réduire la fraude et améliorer leur retour sur investissement publicitaire (ROAS). Il conclut en lançant un cri de ralliement à l’industrie pour qu’elle mette de l’ordre dans ses affaires : « Vous êtes les artisans du changement… celles et ceux qui se soucient de la qualité des médias, mais aussi de la place que prennent les marques dans le monde. »

Le marketing inclusif est une réussite sociale et commerciale | Isabel Massey

Isabel Massey, Global Head of Media and Content Marketing chez Diageo, a apporté une perspective client à l’événement, en discutant du pouvoir des médias inclusifs et diversifiés pour stimuler la croissance. Isabel Massey explique comment l’engagement de Diageo en faveur d’un « marketing progressif » l’a aidé à attirer un plus large éventail de consommateur·rices à travers ses plus de 200 marques. Elle cite des exemples tels que Baileys sponsorisant la première saison de Sex and the City et les campagnes de Guinness mettant en scène des athlètes féminines qui, en cassant les stéréotypes, ont aussi rendu les marques plus populaires.

Les marques ont un rôle à jouer pour aider le paysage médiatique à rattraper les progrès de la société” – Isabel Massey

Pour Isabel Massey, cela souligne l’importance d’une représentation inclusive : « Environ 50% des gens ne se voient pas représentés dans les médias, et spécialement dans la publicité. » Les médias locaux jouent un rôle primordial pour donner la parole aux groupes sous-représentés. « Seule 4% de la couverture médiatique sportive inclut des femmes, ce qui signifie que moins de femmes sont inspirées à rejoindre ces sports, qu’il y a moins d’investissements et que les salaires des athlètes sont plus bas », explique Isabel Massey. « Avec Guinness, nous avons sponsorisé le rugby féminin et représenté des athlètes féminines dans la moitié de nos publicités, mais nous avons aussi fait en sorte d’améliorer la couverture médiatique en rédigeant des articles Wikipédia détaillés sur 120 joueuses de rugby, nous avons rempli les pages de The Sun d’articles sur le rugby féminin, nous avons encouragé le public à regarder les tournois féminins et nous avons travaillé avec des pubs pour qu’ils les diffusent. »

Elle soutient le marketing inclusif peut simultanément avoir un impact social et être une réussite commerciale : « Ce qui est formidable dans tout ce travail, c’est qu’il est excellent pour les consommateurs et consommatrices, pour la société et pour le sport, mais aussi pour les entreprises. »

Isabel Massey encourage les responsables de la planification média à toujours remettre en question les briefs qui excluent certains groupes démographiques, car les idées préconçues ont tendance à écarter des audiences qui pourraient être réceptives à notre produit. Elle ne tarit pas d’éloges sur les médias locaux, qu’elle souhaite rendre plus accessibles à la publicité. « L’inclusivité est le super pouvoir des médias locaux », déclare-t-elle, encourageant le secteur à adopter un état d’esprit plus progressiste qui profite aux consommateur·rices, à la société et aux entreprises.

Nous possédons déjà toutes les clés de l’innovation | Danny Devriendt

En fin de matinée, Danny Devriendt, directeur général d’IPG/Dynamic, a clôturé l’UMA Get Together en lançant un appel à la rupture dans le secteur. Il critique la tendance du monde de la publicité à s’appuyer sur des data et des informations sans en comprendre pleinement les implications. Pour illustrer son propos, il raconte une histoire tirée de l’histoire de la NASA, qui dans la course à la conquête spatiale a dépensé des millions pour mettre au point un stylo capable d’écrire dans l’espace… tandis que les Russes se contentaient d’utiliser des crayons. Où veut-il en venir ? Parfois, la clé n’est pas l’innovation mais la technologie que nous possédons déjà.

Les annonceurs que nous représentons génèrent chaque année 147 zétaoctets (soit 21 zéros) de données, dont moins de 4% sont analysées et utilisées” – Danny Devriendt

Danny aborde également la question du déficit de confiance dans le secteur, affirmant que la technologie, lorsqu’elle est utilisée correctement, peut contribuer à rétablir la confiance avec les annonceurs. Il souligne le potentiel de l’IA, non pas comme une menace, mais comme un outil utile. « Globalement, 76% des acteurs du secteur pensent que l’IA va perturber notre métier. Plus de 60% pensent qu’elle peut être utilisée pour le bien », note Danny, plaidant pour un avenir où les agences sont agiles, à l’affût des nouvelles technologies et n’ont pas peur de se réinventer.

Pour notre avenir, Danny prévoit une industrie où l’IA transcende ses limites actuelles, devenant un outil multimodal qui s’intègrera harmonieusement dans nos différents modes de communication. « La programmation est le langage primitif que nous utilisons pour communiquer des idées simples et sans nuances aux machines. Dans le futur, les machines parleront français, néerlandais, anglais et connaître les langages de programmation ne sera plus nécessaire. » Il conclut en invitant les talents à se concentrer sur les soft skills et la créativité, qui seront selon lui de plus en plus indispensables à mesure que l’industrie continuera d’évoluer.

« Le monde du marketing en Belgique est comme un petit village d’irréductibles Gaulois face au grand empire Romain – les GAFAM. Mais la data que nous possédons est notre potion magique pour les combattre. » Notre pays est petit mais possède nombre de data de qualité et un écosystème de médias locaux fort. Il propose avec audace : « Je pense que nous devrions introduire une nouvelle métrique en plus du ROI, le ROB – Return On Belgium. » Au lieu de tout donner à des multinationales, que pouvons-nous garder à l’intérieur de nos frontières et réinvestir dans l’économie nationale ?

Conclusion : La balle est dans le camp des professionnel·les du marketing

L’UMA Get Together et l’UBA Media Date ont laissé aux participant·es de nombreuses réflexions sur l’avenir des médias et du marketing. De l’appel d’Hugues Rey à protéger l’écosystème local à celui d’Orlando Wood à revenir au showmanship, l’événement a mis en avant la nécessité pour l’industrie de trouver un équilibre entre créativité, durabilité et inclusivité. Les présentations de Tom Denford et Isabel Massey ont mis en lumière les avantages stratégiques de la durabilité et de la diversité, tandis que Danny Devriendt nous a rappelé que l’innovation réside souvent dans la simplicité.

À une époque où la nécessité pour le secteur de s’adapter à ces défis complexes devient évidente, les idées partagées lors de l’UMA Get Together et l’UBA Media Date sont précieuses pour façonner l’avenir des médias et du marketing. Le chemin à parcourir exige non seulement de l’agilité, mais aussi de s’engager à conduire le changement – un défi que le secteur semble plus que prêt à relever.