Le CEO de Roularta et président de WE MEDIA met en garde contre le risque que ferait peser pour les magazines la suppression des subsides à bpost, prônée par le président du MR.
Xavier Bouckaert est CEO de Roularta et président de WE MEDIA, la fédération qui regroupe les magazines. Il s’inquiète des intentions du gouvernement fédéral au sujet des subsides octroyés à bpost pour la distribution des magazines.
C’est singulièrement le cas après des propos tenus par Georges-Louis Bouchez, président du MR, au De Morgen, dans lequel il plaide pour une suppression des subsides pour les magazines. « Je comprends que les abonnés doivent recevoir leur quotidien avant de partir au travail », dit-il. « Ce n’est pas le cas pour les magazines. Cela ne fait quand même pas de différence si on lit le Knack le matin ou le soir. »
Comment avez-vous reçu ces propos ?
« J’ai avalé mon café de travers, littéralement. Sa réaction est brutale et manque complètement de nuances et de subtilités, je compte d’ailleurs bien lui dire de vive voix. Georges-Louis Bouchez ne prend en considération que la réalité la presse quotidienne sans se soucier de la réalité des magazines, qu’il connaît visiblement mal. J’ai d’autant moins apprécié sa déclaration qu’il nomme explicitement un de nos magazines, Knack. »
Le sujet avait été évoqué en octobre, il revient sur la table du gouvernement : pourquoi ?
« La décision a été prise de limiter les subsides à bpost pour la distribution de la presse au sens large, de 175 millions d’euros à 125 millions. Mais rien n’a été décidé concernant ces 50 millions d’économie à réaliser. L’argument du président du MR est simple : la distribution des magazines coûte 70 millions, il suffit de ne plus la subsidier. C’est un raisonnement simpliste et fortement préjudiciable pour nous.
Tout d’abord, il faut préciser que les surcoûts pour cette distribution incombent aux quotidiens pour lesquels il faut faire des distributions le matin tôt et le samedi. Chez Roularta, nous avons adapté tous nos processus afin que la distribution de nos magazines corresponde à celle des rondes de bpost. Cela nous a demandé des investissements et un travail d’un an.
J’ajoute que si des abus ont été constatés dans cette distribution, ce n’est pas dû aux magazines. Si des perquisitions ont eu lieu chez DPG Media, aucune n’a eu lieu chez nous, il n’y a aucun souci entre Roularta et la Justice ou l’Autorité de la concurrence. »
Georges-Louis Bouchez évoque la digitalisation des médias qui rendrait cette distribution moins importante.
« Là aussi, je lui ferais remarquer que la digitalisation est bien plus rapide du côté des quotidiens que des magazines, et pour cause : la lecture d’un magazine nécessite davantage de temps et un confort de lecture plus important. Parmi nos abonnés, 95% ont un abonnement print + ditigal, seuls 5% ont un abonnement 100% digital. La proportion n’est pas la même pour les quotidiens qui ont 30 à 40% d’abonnés digitaux : ils peuvent donc lire leur journal en dehors de la distribution de bpost. »
Quel est le risque pour les magazines ?
« Le danger, pour nous, c’est que l’on augmente de 10 à 20% le coût de la distribution de nos magazines. Or, nous payons aujourd’hui un prix conforme au marché : à titre de comparaison, aux Pays-Bas, nous payons un prix comparable à ce qu’il est aujourd’hui en Belgique : environ 0,30 à 0,35 euros par exemplaire.
En outre, l’ensemble de nos coûts explosent déjà : le papier a doublé de prix, l’énergie a fortement augmenté, l’indexation des salaires en janvier a été importante…
Cela rendra l’accessibilité de nos médias plus difficile. C’est un enjeu démocratique ! »
Points mis en évidence par Roularta Media Group (RMG) sur les subsides pour la distribution de journaux et de magazines
- Il y a deux composantes différentes dans les subsides accordés à bpost : les journaux et les magazines. La distribution des journaux coûte naturellement beaucoup plus cher car il faut prévoir des tournées de distribution distinctes les jours de semaine (avant 7h30) et les samedis (avant 10h). Les magazines ne font pas l’objet de tournées de distribution distinctes pendant la semaine et ne sont pas distribués le week-end. Au contraire, dans de nombreux cas, les magazines sont toujours livrés plus tard dans la journée, en même temps que la tournée normale du facteur. Il y a trois ans, Roularta Media Group (RMG) a adapté ses flux et ses process à ceux de bpost afin que la distribution de magazines s’intègre autant que possible dans les tournées de distribution existantes de bpost, y compris les tournées de distribution de colis. L’adaptation a nécessité un investissement important, une grande flexibilité de la part de RMG et la réalisation de ce projet a pris près d’un an. En d’autres termes, RMG ne sait pas très bien à quoi servent ces subsides provenant de la distribution des magazines, puisque la distribution des magazines de RMG est alignée sur la distribution standard de bpost. RMG espère également que les processus et les flux entourant la distribution des magazines resteront inchangés, notamment en raison des importants investissements réalisés il y a à peine trois ans.
- La numérisation des magazines progresse beaucoup plus lentement que celle des journaux. Cela s’explique notamment par le fait qu’un magazine prend plus de temps à lire qu’un journal et qu’il est donc plus convivial pour de nombreux lecteurs de lire les magazines sur papier. Il est donc tout à fait concevable qu’un journal soit majoritairement lu sous forme numérique d’ici quelques années. Ce n’est pas le cas pour un magazine. Aujourd’hui, moins de 5 % des abonnés optent pour un abonnement numérique. 95% des abonnés de RMG ont un abonnement imprimé + numérique où le papier demeure le composant le plus important pour eux.
- RMG paie un prix conforme au marché pour la distribution de magazines en Belgique. RMG est également actif aux Pays-Bas, ce qui nous permet de comparer les tarifs. Aux Pays-Bas, nous payons un tarif similaire à celui de la Belgique (en moyenne 0,30 à 0,35 € par exemplaire). Les Pays-Bas n’ont pas de système de subside pour la distribution des magazines (via Post NL). En d’autres termes, si les subsides accordés à bpost devaient diminuer ou disparaître, bpost ne peut envisager d’augmenter ses tarifs.
- RMG doit faire face à des augmentations importantes des coûts au niveau du papier, de l’énergie et du personnel. Au cours des cinq dernières années, le prix de vente de certains magazines a déjà augmenté de 50 %. Nous avons atteint les limites de prix que nos lecteurs sont disposés à payer. Des coûts supplémentaires ne peuvent plus être répercutés sur eux. La hausse des tarifs de bpost menacerait inutilement la survie de certaines marques de médias et conduirait directement à l’appauvrissement de la gamme de magazines.
- RMG suit avec attention les informations concernant l’audit chez bpost et les perquisitions chez DPG media. RMG souhaiterait vivement connaître le résultat des différentes enquêtes. RMG veut éviter la suppression/réduction des subsides aux magazines ou une augmentation des tarifs postaux (suite à la suppression des subsides) en raison d’éventuelles irrégularités dans la distribution des journaux.
Source : Trends.Levif.be.