
La disruption dans le monde de la télévision fait avancer l’écosystème
Ces dernières années, les téléviseurs connectés ont vraiment changé la donne. Ils ont ouvert la voie à une explosion de services de streaming, et donc, la bonne vieille télé linéaire en a pris un coup. Le câble, soudain, n’était plus indispensable. Avec une offre enrichie sur leur écran préféré, les Belges ont eu l’embarras du choix, ce qui a créé une concurrence féroce. Les chaînes locales traditionnelles ont réagi à ce bouleversement en s’adaptant tant bien que mal. Mais il n’y a pas que les téléspectateurs qui y ont gagné : tout l’écosystème local est devenu plus agile et, au final, plus fort. Aujourd’hui, on ne parle plus de télé linéaire contre digital, mais plutôt de « live » et de « à la demande ». Et pour les chaînes commerciales, la pub sur leurs services « à la demande », c’est un peu leur bouée de sauvetage pour compenser la baisse de leurs revenus. Le digital, avec la télé connectée comme expérience premium, ça a vraiment du bon.
« Don’t confuse me with facts »
Face à l’évolution ultra-rapide du paysage vidéo, Choreograph, la divison data de GroupM, a décidé d’élargir le champs de son Streaming Monitor. La 7ème édition de cette étude mesurant déjà les services de streaming a été enrichie d’une enquête spécifique sur la télévision connectée et son impact sur le phénomène du « cord cutting ». En plus des 1.400 répondants (représentatifs de la population belge âgée de 18 à 59 ans) ayant répondu au questionnaire sur le streaming, 1.000 autres personnes ont été interrogées afin de recueillir des données précises sur la télévision connectée. Les études existantes fournissent des résultats très disparates. La raison, c’est que les gens ne comprennent pas toujours bien les termes techniques, et qu’il faut poser les questions de manière indirecte pour obtenir des réponses fiables. Et idéalement, dans une étude qui se concentre vraiment sur ce sujet, pour avoir le temps d’accompagner les consommateurs. Choreograph a utilisé deux méthodes pour obtenir des chiffres fiables. D’une part, il a été demandé aux répondants de consulter leur facture fournisseur pour comprendre exactement ce qu’ils payaient. D’autre part, ils ont été guidés pour vérifier si leur(s) téléviseur(s) était(ent) connecté(s) à Internet (par exemple via des applications). Les téléviseurs peuvent être connecté d’origine (smart TVs) ou rendus intelligents, avec ou sans appareil externe (comme une chromecast).
Le streaming atteint-il un plateau ?
Que nous apprend la 7ème édition du « Streaming Monitor » ? Après une forte progression en 2024, le marché semble connaître un léger recul. 65 % des Belges déclarent avoir au moins un abonnement de streaming dans leur foyer, soit une baisse de 3,8 points de pourcentage, une tendance particulièrement marquée dans le sud (-6 points contre -1,6 points au nord). On observe ainsi une sorte d’effet yo-yo, avec un taux d’abonnement oscillant entre 65 % et 70 % sur les quatre dernières années. Le sud du pays est également connu pour son utilisation importante de l’IPTV, un facteur pouvant également jouer un rôle dans ces résultats. Le nombre moyen de services de streaming par foyer s’élève désormais à 2,2. Dans les conditions actuelles, le marché belge du streaming a-t-il atteint son potentiel maximal? Si tel est le cas, quelles seront les sources de croissance futures ?
Pourquoi le terme « cord-cutting » est-il trop restrictif ?
En Belgique, une personne sur cinq déclare ne plus avoir d’abonnement au câble. Comparé aux États- Unis (70 %), on est bien en dessous. Cependant, il y a plusieurs sous-groupes à distinguer. Pas moins de 8 % de la population belge n’a jamais eu de câble (« cord nevers »). Un peu plus d’un Belge sur dix a effectivement pris la décision de résilier son abonnement (« cord cutters »). La méthodologie utilisée a également identifié un petit groupe de 5 %, les « silent subscribers », c’est-à-dire ceux qui paient encore un abonnement mais ne l’utilisent plus. Les « cord cutters » et « cord nevers » sont principalement des jeunes vivant dans les grandes villes La principale raison pour ne plus payer l’abonnement, c’est le prix. C’est ce que répond une personne sur deux. Avec le coût relativement bas des abonnements de streaming, le choix est vite fait. Trop de publicité à la télévision arrive seulement en sixième position parmi les raisons mentionnées (16 %).
Qui sont les gagnants et les perdants dans le paysage du streaming ?
Côté plateformes, on remarque que Netflix accuse quand même une baisse de 5 points de pourcentage. Disney+ subit le même sort (-4 points). Déjà en 2024, les répondants avaient indiqué utiliser peu Disney+ et que l’offre n’était pas vraiment nouvelle. Une tendance qui se confirme cette année. Amazon Prime Video, en revanche, continue sur sa lancée et passe de la troisième à la deuxième place avec 22 %, juste devant Disney+. Streamz poursuit sa croissance régulière, atteignant 19 % de la population flamande abonnée, un record pour la plateforme. L’arrivée de HBO Max l’année dernière semblait vouloir semer la zizanie, mais l’impact reste limité Finalement, on constate dans cette édition que 7% de la population belge s’est abonnée à HBO Max ,légèrement au-dessus des prévisions de l’année dernière (5,7 %). Seule une minorité a quitté Streamz pour HBO Max. Streamz, avec sa stratégie de contenu local, semble donc être devenue une valeur sûre. Cependant, des séries comme « The Last of Us » et « White Lotus », qui attirent un public énorme, pourraient bien booster l’audience de HBO Max. Wait and see.
Churn et abonnements nomades en hausse
La saturation du marché a vraiment changé les stratégies des services de streaming. Maintenant que la croissance est plus difficile, l’accent semble s’être déplacé vers la fidélisation des clients et la réduction du churn. De plus, la valeur de la marque reste cruciale, tout comme le rapport qualité-prix. Actuellement, la Belgique connaît un churn moyen de 26 %, en hausse de 3 points par rapport à l’année précédente. Par ailleurs, le nombre de personnes annulant puis reprenant un abonnement quelques mois plus tard, les « nomadic subscribers » ou « subscription pausers », augmente fortement, atteignant 43 % (+5 points par rapport à l’édition précédente). Dans le sud du pays, c’est même 54 %. Les plateformes peinent à maîtriser ces fluctuations. La quête opportuniste du meilleur rapport qualité-prix met donc à mal la fidélité des clients.
Streamers must TV-tize : une nouvelle maxime souvent entendue
L’AVOD représente-t-elle toujours la stratégie de croissance la plus pertinente ? À l’international, 45% des abonnements incluent de la publicité. Pour les nouveaux abonnements, ce chiffre grimpe à 60%. En Belgique, lorsque l’option d’un abonnement avec publicité est disponible, le taux d’adoption avoisine les 40 %, atteignant même 44 % pour Streamz. Toutefois, étant donné que seuls Streamz et HBO Max offrent actuellement cette possibilité, le potentiel en Belgique demeure limité. Pour que ces modèles AVOD soient efficaces, les plateformes doivent évoluer d’un modèle basé sur l’abonnement à un modèle basé sur le volume de visionnage, afin de garantir un inventaire publicitaire suffisant. Un équilibre judicieux entre la portée (audience) et la fréquence est essentiel pour offrir un service de qualité aux annonceurs.
Les événements live sont-ils aussi attractifs en Belgique ?
Une stratégie essentielle pour garantir une audience et un engagement suffisants, déjà utilisée à l’étranger, consiste à acquérir les droits d’événements en direct, surtout sportifs. Pensez à HBO Max qui a lancé sa plateforme en juillet en mettant en avant la diffusion des Jeux Olympiques. Aujourd’hui, plus d’un Belge sur trois (35 %) sait que des événements live sont diffusés sur des services de streaming payants. Un peu plus d’un sur dix (12 %) en a déjà regardé un sur une plateforme payante, et la majorité serait prête à renouveler l’expérience. Au total, 17 % déclarent avoir l’intention de le faire à l’avenir, y compris les nouveaux spectateurs. Bien que cela semble prometteur, des questions subsistent quant au potentiel de cette stratégie en Belgique. Tout d’abord, le contenu live proposé semble peu adapté à notre marché. Netflix, par exemple, a diffusé des matchs de NFL ou de WWE (catch), des sports qui séduisent principalement le public américain. Pour des sports populaires chez nous, comme les Jeux Olympiques, le cyclisme ou la Coupe du Monde de football, le modèle économique semble irréalisable. Ces événements sont souvent accessibles gratuitement via nos chaînes locales. Les influenceurs et créateurs de contenu figurent également sur la liste des priorités des plateformes pour attirer du public. Pourtant, le modèle économique de YouTube reste plus intéressant pour ces créateurs. The future will tell.
Ranking des services de streaming : quels changements ?
Qu’en est-il du comportement de visionnage des Belges si l’on compare tous les types de services de streaming, quel que soit leur modèle économique (payant ou publicitaire)? Globalement, le classement (basé sur le visionnage au cours des deux dernières semaines) reste stable. Ce qui change, ce sont les audiences. D’une part, YouTube, toujours numéro un incontesté, montre des signes de faiblesse. Le même phénomène est observé pour Netflix, qui perd une partie de ses spectateurs réguliers (-6 % en moyenne). En revanche, les offres BVOD, les services « vidéo à la demande » des chaînes belges, enregistrent une belle progression (+7 % en moyenne). Un fait notable dans le top 10 est l’entrée réussie de TF1+, avec 14 % de la population francophone déclarant avoir regardé ce service au cours des deux dernières semaines. Une belle performance qui enrichit l’offre existante dans le sud du pays.
BVOD : une complémentarité intéressante avec YouTube
YouTube reste le service le plus regardé, avec 80 % des Belges déclarant l’avoir utilisé au cours de l’année écoulée et 46 % la semaine dernière. Une base fidèle qui garantit une audience large sur une courte période. Toutefois, Dans cette 7ème édition, la somme de tous les acteurs BVOD, après une croissance annuelle régulière, n’a plus à rougir en termes de potentiel total. Néanmoins, afin de pouvoir concurrencer Youtube, ces acteurs devront travailler sur leur fréquence d’utilisation. Cela étant, ce qui est intéressant, c’est la complémentarité entre les deux, tant au niveau du profil que de la portée. L’ajout de BVOD à YouTube entraîne une augmentation potentielle de 17 points de pourcentage de portée (reach) sur une période de 2 semaines. Une combinaison gagnante.
Enfin, une étude qui mesure correctement la pénétration de la CTV
Le succès du streaming découle d’une forte augmentation des téléviseurs connectés à Internet. Mais combien de Belges possèdent un téléviseur connecté? Pas moins de 74 % de la population belge déclare avoir au moins un écran pouvant se connecter à Internet. Ce chiffre est supérieur de 12 points de pourcentage au nombre de personnes déclarant posséder une smart TV. Autrement dit, il s’agit de téléviseurs pouvant se connecter directement à Internet, sans appareil externe. La marque du téléviseur ou du dispositif de connexion devient ainsi la nouvelle porte d’accès au streaming. Ces fabricants jouent un rôle clé, car la plupart des nouveaux écrans intègrent automatiquement cette fonctionnalité. Ils représentent également une nouvelle concurrence. L’appareil le plus utilisé pour se connecter est le Chromecast, avec 30 %. Viennent ensuite Android et l’Apple TV, avec environ 8 % chacun. L’accès aux plateformes de streaming semble toujours être le moteur pour l’achat d’un appareil connecté (et vice versa). Les fabricants vont jouer un rôle important à cet égard, car la plupart des nouveaux écrans intègrent automatiquement cette fonction. Les fabricants de téléviseurs deviennent ainsi des entreprises de télévision, proposant de nombreuses chaînes FAST. L’activité sera intense.
Television must CTV-ize : un défi pour les entreprises locales
Les services de streaming ont bien compris les avantages du numérique sur le grand écran, et les chaînes de télé locales aussi. La télévision connectée semble être la nouvelle ruée vers l’or. En se concentrant uniquement sur le BVOD, 44 % de la population belge peut être atteinte via la télévision connectée (sur une période de six mois). Pour YouTube, ce chiffre est de 38 %. Ensemble, BVOD et YouTube atteignent 60 %, comparé à une pénétration totale de 74 % pour la télévision connectée. Cette complémentarité offre un potentiel publicitaire important. Au total, 70 % de la portée combinée de YouTube et BVOD passe par la télévision connectée. Le passage du BVOD à l’écran traditionnel semble plus naturel, avec une conversion de 63 % de la portée, contre 51 % pour YouTube. Les sessions durent en moyenne un peu moins de deux heures, avec une fréquence de visionnage proche de trois jours sur sept. Maintenant, c’est aux chaînes de télé belges de sauter dans le train et de proposer une offre large et de qualité pour avoir assez de pub et compenser la baisse du direct. Mais la concurrence sera rude, avec de nombreux acteurs prêts à entrer dans la course.