Whyte Corporate Affairs, l’agence belge spécialisé dans la communication d’entreprise et les affaires publiques, a interrogé plus de 70 PDG* pour mieux comprendre leurs préoccupations, priorités et défis en matière de communication.
Les conclusions de cette enquête sont préoccupantes : 7 PDG sur 10 déclarent que leur entreprise a récemment été victime de fake news, un phénomène en pleine expansion. Pourtant, une majorité d’entre eux (74 %) se sentent insuffisamment préparés à communiquer en cas de crise.
Fake news, une bombe à retardement
Pas moins de 69 % des PDG belges interrogés affirment que leur entreprise a récemment été confrontée à des fake news, une hausse de 23 % par rapport à 2019, ce qui en fait une problématique majeure en communication. L’information se propage aujourd’hui, notamment via les réseaux sociaux, plus rapidement que jamais, ce qui peut infliger de sérieux dommages à la réputation d’une organisation. Pensez, par exemple, à Proximus, cible de fausses rumeurs sur ses réseaux 5G, ou encore à Bonduelle, accusée à tort de soutenir l’armée russe en fournissant des conserves aux soldats. De même, Brussels Airlines a été à plusieurs reprises la cible de rumeurs annonçant son imminente faillite.
Eveline De Ridder, associée chez Whyte Corporate Affairs, explique : « Les fake news sont de plus en plus fréquentes et difficiles à contrôler. Ce phénomène complexe découle à la fois de l’émergence des nouvelles technologies et de l’IA, des dynamiques sociales changeantes, et d’une désintermédiation croissante des médias traditionnels. Aujourd’hui, de fausses informations peuvent devenir virales en quelques heures, ce qui rend leur correction d’autant plus ardue. Par exemple, les bots et les algorithmes accélèrent la diffusion de désinformation et facilitent la création de contenus trompeurs tels que les deepfakes ou les articles falsifiés. »
Éviter totalement les fake news est évidemment impossible, mais les entreprises peuvent en limiter l’impact grâce à un système de veille efficace et, surtout, une approche de communication proactive et stratégique. Cela inclut des temps de réaction rapides, la transparence, un réseau solide et des relations durables avec la presse et les autorités politiques, ainsi que des contacts de qualité avec des leaders d’opinion et des experts reconnus.
Les PDG interrogés reconnaissent l’importance de la communication dans cet environnement volatil et complexe. Pour 63 % d’entre eux, la communication est aujourd’hui un levier stratégique fondamental et une garantie de confiance et de succès à long terme. Ce chiffre atteint même 90 % pour les PDG d’entreprises de plus de 1 000 employés. Cependant, 74 % des dirigeants se sentent moyennement ou insuffisamment préparés à gérer la communication en cas de crise – un défi de taille.
« Ce pourcentage est étonnamment élevé, car tout le monde sait que la préparation est la clé d’une gestion de crise efficace. Lors d’une crise, la manière dont une entreprise réagit est souvent plus déterminante que la crise elle-même. La capacité à gérer en temps réel les émotions, les perceptions publiques et la communication est essentielle pour limiter les dégâts. Pourtant, la préparation et l’investissement dans la prévention des crises nécessitent une mentalité qui entre parfois en conflit avec des dynamiques d’entreprise axées sur des objectifs et ambitions positives », précise Eveline De Ridder.
Le PDG est-il la personne la plus apte à communiquer en cas de crise ?
La nature des crises varie considérablement – accident, mauvaise publicité, grève, cyberattaque, problème juridique ou éthique, changement de direction, etc. Parmi les PDG interrogés, 59 % estiment qu’ils sont les mieux placés pour communiquer en cas de crise, tandis que 31 % considèrent que ce rôle revient plutôt au porte-parole.
« Bien que le PDG joue indéniablement un rôle clé en temps de crise, il n’est pas toujours nécessaire qu’il soit le premier à s’exprimer publiquement. Trop de visibilité dans des situations moins critiques peut conduire à une surexposition, donnant l’impression que l’entreprise traverse une grave crise. Un porte-parole, un responsable communication ou un expert interne est parfois mieux placé pour naviguer dans ces situations délicates. Faire intervenir le PDG immédiatement rend aussi plus difficile un retrait ultérieur de la scène médiatique en cas d’intensification. Trouver le bon équilibre entre visibilité et délégation est la clé d’une gestion de crise réussie », explique Eveline De Ridder.
Positionnement des PDG : un besoin d’action
L’image d’une entreprise et celle de son PDG sont de plus en plus liées. Les dirigeants sont attendus sur leur capacité à incarner les valeurs de leur entreprise et à prendre position sur des enjeux sociétaux majeurs. Les parties prenantes – clients, investisseurs, médias, monde politique ou employés – souhaitent des leaders visibles, clairs et cohérents dans leurs messages.
Bien que les PDG soient conscients du lien entre leur réputation et celle de leur entreprise, 83 % d’entre eux ne disposent d’aucune (43 %) ou d’aucune stratégie structurée (40 %) de positionnement. Cela s’explique souvent par d’autres priorités opérationnelles urgentes, un manque de temps et de ressources, ou une sous-estimation des impacts potentiels à long terme. Ils témoignent également d’un manque de conseils spécialisés et de méthodologies pour développer un positionnement personnel aligné avec l’image de leur entreprise.
De plus, 53 % des PDG belges ne sont pas très (39 %) ou pas du tout (14 %) actifs sur les réseaux sociaux dans le cadre de leur fonction. Selon Eveline De Ridder, « les PDG belges sont relativement discrets comparés à d’autres pays. Beaucoup hésitent à communiquer sur les réseaux sociaux par manque d’expérience et de familiarité avec ces plateformes. La crainte des erreurs de communication et des réactions négatives amplifie cette réticence. Cependant, ceux qui osent franchir le pas constatent rapidement des avantages, notamment pour leur propre carrière. »
Une relation ambivalente avec la presse : entre intérêt et réticence
Près de 30 % des PDG reconnaissent que la communication avec les médias traditionnels a une influence importante sur la réputation de leur entreprise, tandis que 57 % considèrent cette influence comme modérée.
La relation avec les médias est souvent marquée par la prudence. Ainsi, 46 % des dirigeants adoptent une posture réactive envers la presse, se limitant à répondre aux questions plutôt qu’à agir de manière proactive. Les interviews restent particulièrement sensibles : près d’un dirigeant sur deux trouve cet exercice parfois inconfortable mais nécessaire. La peur d’être mal interprété et la volonté de contrôler l’image publique de l’entreprise ajoutent de la tension aux relations entre PDG et journalistes.
« Cette approche réactive limite les opportunités pour les PDG de contrôler le récit. À long terme, il est préférable d’adopter une stratégie proactive vis-à-vis des médias, en bâtissant une relation de confiance et de qualité avec les principaux journalistes qui suivent l’entreprise », conclut Eveline De Ridder.
Les résultats de cette étude révèlent un constat clair : bien que les PDG belges reconnaissent l’importance stratégique de la communication, beaucoup ne disposent pas encore des outils, pratiques et préparations nécessaires pour relever les grands défis. L’ère des fake news, la demande croissante de transparence et l’évolution rapide des dynamiques médiatiques obligent les dirigeants à repenser profondément leur approche. Les PDG interrogés se posent aussi de nombreuses questions sur la communication : leur positionnement personnel, leurs relations parfois tendues avec la presse ou leur réticence à utiliser les réseaux sociaux.