« Un marketing où il faut s’adapter, être créatif et avoir de la bienveillance » : BMMA Lunch avec Aude Mayence, Jonas De Cooman et Sophie Pollet

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« On arrête de croire à une série de choses, à des croyances qui sont un peu vieilles, un peu machos et on s’en débarrasse. On pense autrement, à un marketing plus fluide, un marketing où il faut s’adapter, être créatif et avoir de la bienveillance. » Des mots prononcés par Joëlle Liberman (Egerie Research) pour résumer le BMMA Lunch avec les gagnants des Belgian Marketing Awards.

Le 19 janvier, trois ténors du secteur nous ont rejoints pour un BMMA-livestream qui avait lieu dans les locaux de LN24 : Aude Mayence de Delhaize (gagnante du prix Marketing Company of the Year), Sophie Pollet de Telenet Business (gagnante du prix Marketing Leader of the Year) et Jonas De Cooman de Spott (gagnant du prix Young Belgian Company of the Year). Anne-Françoise Piette était la médiatrice du débat.

« Une marque forte n’est pas tiraillée entre deux pôles, elle les concilie »

Aude Mayence partage l’avis de Jonas De Cooman et insiste sur l’importance d’une transformation de l’attention vers l’intention. « On vient d’un marketing où on avait l’habitude d’expliquer ce qu’on faisait bien. Mais quand on met le consommateur au centre, on ne peut pas faire autrement que d’avoir un mix entre le ‘push’ et le ‘pull’. »

Aujourd’hui, pour diffuser du contenu, on passe par le SEA, on regarde ce qui intéresse le plus. L’idée c’est de faire du contenu ‘relevant’. « Le digital permet une relevance beaucoup plus grande qui n’empêche pas de mettre avant ses produits et ses solutions mais le point d’attention est beaucoup plus grand du côté du consommateur comme on lui parle de quelque chose qui a du sens pour lui. Il faut donc miser sur le ‘pull’ sans oublier le ‘push’. »

Comment jouer avec des paradoxes pour créer des marques fortes ?

« Rendre la marque plus ‘relevante’ de nos jours et l’ancrer dans notre temps, entraine qu’on est tiraillé entre certains pôles. Mais il ne faut pas se sentier tiraillé, il faut, au contraire, réconcilier ces pôles », indique Aude Mayence. Elle revient sur différents paradoxes du marketing en expliquant que tous n’existent pas, il suffit simplement de rassembler les deux pôles qui les fonde.

Paradoxe n°1 : le long terme VS le court terme. Ces deux notions n’ont pas de sens pour le consommateur. Pour ce dernier, la marque est importante à chaque moment. « Il faut être relevant tout le temps, il faut avoir un purpose clair et savoir où l’on veut emmener la marque. Il faut se tourner vers des choses plus ‘menaningful’ et ‘purpose driven’. »

Paradoxe n°2 : l’agilité VS la consistance. Faut-il saisir toutes les opportunités ? Ne risque-t-on pas de perdre la marque en route ? « Si on a un territoire clair, on peut être agile, il suffit juste de savoir où l’on va. Nous pouvons ouvrir notre marque et notre écosystème à nos concurrents du moment que l’on reste cohérent avec qui on est. Ce n’est pas un jeu facile mais cela reste intéressant. »

Paradoxe n°3 : suis-je une marque humaine et fragile VS suis-je une marque qui sait ce qu’elle veut ? « Les gens attendent des marques plus humaines mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas rester clair sur ce qu’on veut en tant que marque et sur notre rôle dans la société. » On est et le savoir et s’affirmer.

Paradoxe n°4 : suivre VS mener ? « C’est bien de mener mais il faut avoir un terrain crédible. Prenons l’exemple du nutri-score : c’est mieux d’avoir un label validé par les autorités, c’est plus crédible. Et expliquer ce label aux consommateurs. » Mais une marque forte doit aussi pouvoir « mener certains sujets, prendre position. C’est un jeu d’équilibriste entre mener et suivre. »

« Nous tombons amoureux des marques comme nous tombons amoureux de personnes »

« Les channels numériques ne fonctionnent aujourd’hui que par le haut de l’entonnoir, » déclare Jonas De Cooman de Spott. « Avec Spott, nous voulons nous assurer que dans ces stratégies de contenu numérique, les responsables marketing n’ont plus à choisir entre le haut et le bas de l’entonnoir, mais – en ajoutant une couche interactive – que vous pouvez immédiatement faire passer le consommateur de l’attention et de l’inspiration à l’action, soit par le commerce électronique, soit par un essai routier, soit en trouvant un magasin à proximité. Il s’agit de transformer ces touchpoints de contenu en opportunités de recrutement. »

« Le consommateur était réduit à un ensemble de globes oculaires » – Jonas De Cooman

Selon Jonas De Cooman, « Le marketing était principalement un jeu de chiffres où l’on réfléchissait dans les campagnes et dans les GRP. C’était donc une approche très mathématique du marketing où le consommateur était réduit à un ensemble de globes oculaires. Maintenant, je crois – et le Covid n’a fait qu’accélérer les choses – que nous assistons à un énorme changement de l’ancien modèle de marketing de l’attention vers le nouveau modèle de marketing de l’intention. En fin de compte, quelle que soit la manière dont vous le transformez, dans un tel plan de marketing de l’attention, vous partirez toujours de vous-même en tant que spécialiste du marketing et vous penserez à partir de votre marque ‘Comment puis-je atteindre mes consommateurs ?’. »

« Je crois que nous sommes aujourd’hui à un tournant », estime Jonas De Cooman. « La différence cruciale est que, en tant que commercialisateur, avec un modèle de marketing d’intention, vous lâchez le contrôle. Vous laissez le contrôle au consommateur. Le ‘convaincant’ industrialisé est terminé. Dans ce nouveau modèle, nous devons interagir avec le consommateur d’une manière totalement différente et nous passons du marketing ‘push’ au marketing ‘pull’. »

« Même nous, en tant qu’individus : nous mettre dans 100 environnements différents, c’est 100 individus différents. Jonas dans la voiture, ce n’est pas Jonas qui marche, ni Jonas en tant que père », explique Jonas De Cooman. « Il ne faut donc pas penser de manière trop réductrice. Nous devons penser plus largement. C’est l’avantage de cette stratégie d’attraction (pull strategy) : parce que vous laissez les pièces de contenu dans l’eau, et que les gens commencent à ramasser les pièces au moment où ils sont dans le bon état d’esprit au bon endroit, vous leur donnez le pouvoir. Nous ne devons jamais oublier qu’en tant que consommateurs, nous tombons amoureux des marques comme nous tombons amoureux des gens : sur la base des valeurs qui vous séduisent. »

« Nous devons commençons à penser en termes de méta-systèmes »

« Nous sommes dans un VUCA monde – Volatile, Uncertain, Complex et Ambiguous – et nous devons nous adapter à cela et la seule façon de le faire est de commencer à penser de manière plus agile », avance Sophie Pollet de Telenet Business. « Avec Telenet, nous avons également adopté une structure organisationnelle souple : nous essayons de travailler par « sprints » et, tous les trimestres, de nous demander ‘Que faisons-nous le trimestre suivant ?’. Pour le marketing, ce n’est pas toujours évident parce que vous traitez avec plusieurs parties qui livrent certaines choses ou ont certains délais qui ont également un impact sur votre opération. Il est donc très important que ces partenaires adoptent eux aussi un mode de pensée agile. »

« Une deuxième chose très importante est que nous ne nous tournons plus seulement vers nous-mêmes pour tout faire. Nous devons vraiment commencer à penser en termes de métasystèmes, comme le dit Dado Van Peteghem. Nous devons développer beaucoup plus ces écosystèmes, trouver des partenaires qui peuvent trouver une solution ensemble, apporter de l’inspiration, de la créativité et de la concentration », explique Sophie Pollet. « Alors que nous avions l’habitude d’essayer de faire beaucoup de choses nous-mêmes et que nous pensions que c’était nécessaire pour réussir à l’avenir, nous devons maintenant nous éloigner de cela. C’est une sacrée mentalité à changer, parce qu’il faut lâcher prise et compter sur des partenaires qui vont apporter cette composante de la solution. Mais ils apportent aussi d’autres choses : d’autres façons de voir les choses, la spécialisation, la créativité. C’est comme ça que nous pouvons réussir, mais il faut un énorme changement d’état d’esprit, c’est sûr. »