The Year Ahead : « Le marché a besoin de simplicité et de standardisation » (Thierry Hugot)

FacebookTwitterLinkedIn

Danny Devriendt revient sur l’article de MediaSpecs « A quoi ressemblera l’année 2020 » lors de la session CommPass The Year Ahead, qui jette un regard hypothétique sur l’année média à venir. Comment cela s’inscrit-il dans les prévisions des médias pour 2020 ?

Wout et moi avons jeté un regard en arrière. Sylvie Irzi, CEO de Mediabrands, déclarait à l’époque qu’en 2020, il y aurait un rééquilibrage entre les acteurs des médias locaux et les GAFAN. Chris Van Roey de l’UBA avançait pour sa part : nous allons assister à une très forte croissance de toutes sortes de formes non linéaires de vidéo. François le Hodey d’IPM prédisait que les médias locaux allaient être le nouveau centre d’intérêt des annonceurs. Et Karen Corrigan de Happiness avait dit : le ‘human centric’ l’emportera sur le ‘consumer centric’. »

Mais qui avait raison finalement ? Danny Devriendt : « Quelques semaines plus tard, le virus nous a tous frappés de plein fouet, mais si nous regardons en arrière en tant que jury, Sylvie était la plus proche, bien que je ne pense pas que Sylvie savait ce qui allait se passer ». Et maintenant, que nous réserve 2021 ?

Qu’en est-il des investissements digitaux dans votre entreprise ?

Hugues Rey (Havas) est confiant concernant l’investissement numérique à l’avenir : « Alors, pour rassurer tout le monde, je ne vois pas beaucoup de raison pour que ça baisse. » Selon lui, le chiffre de cette croissance mène une observation principale : « Ce qui est intéressant par rapport à tout ça, c’est que le chiffre amène une moyenne pondérée, bien que ce soit propre à un portefeuille client auquel il faut pouvoir le comparer. » Il relève néanmoins deux réflexions importantes : « Il faut savoir analyser ce chiffre, ce qui n’est pas toujours fait à bon escient : certains veulent se rassurer en se disant “waouh je suis au-dessus” alors qu’il faut tout replacer dans son secteur et son industrie.  Ce qui me parait intéressant, c’est effectivement de pouvoir suivre l’évolution de manière transversale, comme des contrôles, ce qui permet quand même de pouvoir donner un ordre de grandeur. »

 « Les benchmarks de l’UBA et de l’UMA ont fait l’objet d’un certain débat. En fin de compte, les deux ne sont pas si éloignés l’un de l’autre », explique Christine Brone. « La base de l’UBA est bien sûr un peu plus basse : je pense que 36 annonceurs y ont participé. Je suis heureuse que nous ayons pu démontrer que le benchmark UMA est un très bon benchmark ». Lorsqu’elle tente de prévoir les chiffres pour 2021, celle-ci estime que la tendance de 2020 va se poursuivre : « Je pense que nous pourrons aller jusqu’en 2021 même légèrement au-dessus de 35%, pour l’UMA et pour le secteur ».

« Donner le juste milieu des chiffres de 2020 », c’est ce que veut faire Gino Baeck, de GroupM. « Les trois chiffres – 31%, 36% et 41% pour BAM – si on les met tous côte à côte, on peut tous dire ‘Ce sera 34%’, parce que l’un est surévalué, l’autre sous-évalué pour de bonnes raisons. 34%, c’est la part des investissements, et qu’en sera-t-il en 2021 ? », se demande-t-il. « Pour moi, cela correspond à la tendance internationale, car nous ne serons pas à 50% en Belgique comme on le prévoit au niveau mondial. Mais nous allons maintenir la même tendance. En d’autres termes, vous pouvez supposer : 34%  – en Belgique peut-être un peu plus modérément – plus 3%, alors nous allons à une part d’investissement de 37% si vous regardez le marché. Si vous faites le lien avec l’UMA, c’est 31 % plus 3 %. Les chiffres de l’UMA s’élèveront donc à 34% ».

« La fin du cookie tiers est un fait »

Les acteurs locaux survivront-ils dans un monde sans cookies ? Christine Brone : « Les médias locaux sont également très occupés à constituer leurs datapools, mais je sens encore une certaine réticence à ce que nous soyons plus forts ensemble en utilisant ces datapools. Cela va être incroyablement important dans un monde cookieless si les médias veulent jouer un rôle significatif au niveau local contre les grands acteurs internationaux. »

« La fin du cookie tiers est un fait ». Danny Devriendt veut savoir « comment on s’y prend maintenant ? »

Hugues Rey souligne aussi l’importance des solutions tournées vers le local et insiste sur le rôle de l’agence. « Le lien vers le local va être important, tout comme l’accès à des données de première partie. Le travail de l’agence sera à cet égard de plus en plus important, on devra mieux travailler avec nos partenaires locaux et avec nos annonceurs. » Avec un monde sans cookies, d’autres défis se posent aux agences : « Comment marier ce qu’il reste des cookies et des données ID, comment encore travailler avec les annonceurs sur de la taxonomie ? » Il en va du rôle des agences de répondre à ces challenges et de faire fonctionner/évoluer les choses.

« Nous allons survivre à cela », a déclaré Gino Baeck. « Cela va avoir un impact plus important (que le RGPD), mais nous allons trouver des solutions pour cela aussi. Nous allons certainement devoir convaincre les acteurs locaux qu’ils ont une relation d’open-source avec nous pour avoir accès aux données de première partie ».

Quelles prévisions pour 2021 ?

« Je vois une tendance en particulier dans la façon dont nous consommons les divertissements, notamment les contenus vidéo », prédit Christine Brone. « Cela correspond en quelque sorte à la prédiction de Chris Van Roey l’année dernière. Nous avons tous beaucoup plus en commun. Les tendances des années précédentes étaient ‘more screens’ et ‘more individual watching’. Il y a beaucoup plus de coviewing maintenant et nous sommes vraiment très familiers des plateformes de streaming ».

Gino Baeck prédit que « les nouvelles Roaring Twenties » dépasseront l’ « intolérance latente » de ces dernières années. « La fin de l’année 2021 va être une belle pagaille ».

Hugues Rey revient sur la notion de verticalité qui, de nos jours peut s’appliquer à une série de réalités actuelles : « Cela peut concerner les réseaux sociaux mais ceux-ci vont être tout à fait spécifiques sur un type de sujet. Cela peut aussi concerner les médias locaux, entre autres. » De plus en plus de canaux spécifiques vont émerger et « ils vont être pris en charge par des entreprises verticales. Il faut être capable d’accéder à l’ensemble des verticalités et en faire profiter le client et le consommateur ».

Luc Suykens à propos de brand safety

« L’authenticité est la principale chose que nous recherchons en retour. Il y a tellement de faux autour de nous », souligne Luc Suykens de Procter&Gamble à propos de la perception de l’annonceur. « L’intérêt des voisins, l’intérêt du proche. C’est l’idée qui me tient à cœur et que les consommateurs désirent tant ».

« Une marque, c’est comme les gens : you judge brands by the company they keep », ajoute Luc Suykens à propos de la sécurité des marques. « Nous n’allons pas résoudre cela au niveau belge ou européen. Pour cela, je crois incroyablement en la GARM, la Global Alliance for Responsible Media: ‘Établissons des normes industrielles pour la sécurité des marques’. Une fois que vous disposez de ces normes, vous devez également les appliquer et elles doivent pouvoir être contrôlées. De grands pas en avant y sont faits, qui peuvent maintenant être suivis en Belgique avec le JEP (Jury d’Ethique Publicitaire) et autres. »

« On parle beaucoup des données de première partie, mais on en fait peu », explique Luc Suykens à la lumière de la tendance qu’il observe. « C’est le moment où les données vont faire une véritable percée, et tous ceux qui ont des données vont devenir un peu des acteurs média ».

Forecast ou Media Spendings by UMA (Bernard Cools)

Retrouvez toutes les informations dans notre article.

 « Le marché a besoin de simplicité et de standardisation »

Maintenant que nous avons entendu les agences média et les annonceurs, il reste encore les médias. Quelles tendances pressentent-ils ?

Thierry Hugot (Rossel) relativise le bilan de l’année qui s’est écoulé : « L’année 2020, globalement, pour nous n’a pas été trop mauvaise. Elle a été, selon les médias, plus ou moins bonne. Si l’on regarde la presse quotidienne, la publicité nationale et les médias du vrai, qui parle aux gens, ça a très bien fonctionné et on constate de fortes progressions ! On a également eu une bonne progression sur le digital, avec des changements malgré tout puisque le programmatic a progressé. » Concernant 2021, selon lui, rien n’est moins sûr « 2021 est comme une boule de cristal : le problème c’est la vision court terme qui nous est imposée. On voit que les décisions des annonceurs sont parfois liées aux décisions gouvernementales. On avance de 15 jours en 15 jours, donc les médias qui ont des délais de réservation longs, comme la presse magazine contrairement à la presse quotidienne ou au digital, sont pénalisés ». Néanmoins, ses prospections pour 2021 se clôturent sur une note positive : « Tout le monde espère le redémarrage, tout le monde est dans les starting blocs. Si on évite une nouvelle vague et un reconfinement, ça devrait être une bonne année ».

Denis Masquelier (IPB) partage la vision de Thierry Hugot concernant 2020 : « Ce fut une année intéressante et enrichissante sur le plan intellectuel à défaut de toujours l’être sur le plan financier. Les audiences des médias ont malgré tout été très bonnes : la télé en a pleinement profité, jusqu’à atteindre de nouveaux records, le grand digital également avec une belle augmentation d’activité, et les réseaux sociaux ont bénéficié d’un meilleur engagement. Bien sûr, certains secteurs ont été plus impactés, tels que la radio, mais ce fut une année pleine de challenges, durant laquelle tout le monde s’est beaucoup investi ». Son regard sur 2021 se veut optimiste, souhaitant une tendance à la hausse : « On espère un retour à la croissance. On souhaite récupérer au moins 2/3 de la perte subie l’an passé. Certes, c’est ambitieux, mais on démarre bien. On travaillera au jour le jour : on a appris la patience en 2020, et on vivra à nouveau chaque instant intensément ».

 « C’est un monde VUCA » avance Bart Demeulenaere de SBS. « Volatile, Uncertain, Complex et Ambiguous ». « D’une part, il y a la nécessité : si nous voulons continuer à créer des contenus de qualité, nous devrons continuer à faire de la publicité. La simplification à laquelle nous aspirons tous », explique Bart Demeulenaere.  « D’autre part, il y a le cadre législatif : les GAFA sont abordés selon différents niveaux et il était grand temps. Enfin et surtout, c’est là que chacun doit regarder dans son propre viseur : les acteurs internationaux au niveau des annonceurs, les acteurs locaux au niveau des annonceurs, les agences média et nous au niveau des médias. En fait, c’est un choix qui s’inscrit dans des valeurs : l’une des tendances est que nous voulons revenir à l’essentiel, l’authenticité, la réalité, pas de greenwashing. C’est un choix à long terme d’investir localement. »

Denis Masquelier ajoute que les alliances et la collaboration seront indispensables pour l’avenir : « Il y a des synergies qui existent déjà, mais travailler ensemble nous rendra plus fort. Il faut se concentrer sur nos core business, être forts nous-mêmes, et ensuite trouver des points de convergences, des shared values au sein d’une concurrence saine. »

Thierry Hugot ajoute que concernant cette mise en commun du travail, il sera nécessaire d’accorder une place importante à l’identité et aux objectifs. Il souhaite distinguer le plan du média, et le plan publicitaire : « Sur le plan du média, 2020 sera sans nul doute une accélération vers la convergence et le multiplateforme. Sur le plan publicitaire, il faut, comme le dit Denis, simplifier l’accès et se rendre fort en favorisant les alliances. En bref : standariser l’achat et simplifier l’accès avec un reporting commun. »

« 2021 va être hybride », a déclaré Bart Demeulenaere. « Le ‘phygital’ va rester. Dans notre média, nous verrons la vidéo à la demande combinée au linéaire. Le SVOD et la publicité ciblée. Tout cela va être un peu hybride, dans le meilleur de deux mondes. »

Danny Devriendt a remercié les participants et Wout Dockx pour l’organisation. CommPass a utilisé REMO pour la première fois, afin d’approcher au plus près l’expérience de l’événement, avec des « tables de networking » virtuelles et tous les éléments de décor.